REVUE

ET MAGASIN

DE ZOOLOGIE

RECUEIL MENSUEL

destiné a faciliter aux savants de tous les pays les MOYENS DF

PUBLIER LEURS OBSERVATIONS DK ZOOLOGIE PURE ET APPLIQUEE A L’INDUSTRIE ET A L’AGRICULTURE, LEURS TRAVAUX DB PALÉONTOLOGIE , d’aNATOMIB ET DK PHYSIOLOGIE COMPARÉES , ET A LBS TENIR AU COURANT

DES NOUVELLES DÉCOUVERTES ET DES PROGRÈS DE LA SCIENCE;

M. F. E. GUÉRIN-MÉNEVILLE,

impériale et centrale d’Agricullure , des Académies royales des Sciences

de Madrid et de Turin, de l’Académie royale d’Agriculture de Turin, de la Société impériale des naturalistes de Moscou , d*nn grand nombre d’autres Sociétés nationales et étrangères , Secrétaire du Conseil de la Société impériale zoologique d’Accliniatation , etc., etc.

PARIS,

Al! BUREAU DE LA REVUE ET MAGASIN DE ZOOLOGIE,

RUR DES BEAUX-ARTS, 1.

REVUE

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DE ZOOLOGIE

RECUEIL MENSUEL

DESTINÉ A FACILITER AUX SAVANTS DE TOUS LES PAYS LES MOYENS DE PUBLIER LEURS OBSERVATIONS DE ZOOLOGIE PURE ET APPLIQUEE

a l’industrie et a l’agriculture, LEURS TRAVAUX DE

PALÉONTOLOGIE, D’ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES, ET A LES TENIR AU COURANT

DES NOUVELLES DECOUVERTES ET DES PROGRÈS DE LA SCIENCE;

M. F. E. GUËRÏN-MÉNEVILLE,

Membre de la Légion d’honneur, de l’ordre brésilien de la Rose, de la Sociéle

impériale et centrale d’Agricullure , des Académies royales des Sciences de Madrid et de Turin, de l’Académie royale d’Agriculture de Turin, de la Société impériale des naturalistes de Moscou , d’un grand nombre d’autres Sociétés nationales et étrangères ,

Secrétaire du Conseil de la Société impériale zoologique d’ Acclimatation , etc., etc.

2e SÉRIE. T. XIII. 1861.

PARIS,

AU BUREAU DE EA REVUE ET MAGASIN DE ZOOLOGIE,

RUE DBS BBAUX-ART9, 4.

2.l4-9<î(>

Opǻr MX

VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. - JANVIER 1861

I TRAVAUX INÉDITS.

Note complémentaire sur quelques Mammifères du Mexique (1), par M. H. de Saussure.

I. Diagnoses Glirium novorum duorum.

1. Arvicola ( Hemiotomys ) mexicanus. Médius, supra fuscus, subtus cinerascens, pilis cinereis, apice fuscis. Auriculæ sat magnae, fimbriatæ, antitrago magno. Vibris- capite breviores, fuscæ. Pedes antici paulo longiores posteriorum dimidio; postici elongati, subtus basi pilosi, tuberculis 6 instructi, quorum posticus, magnus , penul- timus minutus. Ungues anteriores posterioribus haud ma¬ jores. Cauda brevissima, pedibus posticis paulo longior at capite brevior. Gorporis longitudo , 0,110; caudæ, 0,019; pcdis postici, 0,016. Mexico.

2. Reithrodon Sumichrasti, R. mexicano affinissimus ; ejusdem staturæ. Supra fulvo-rufus, capite et dorso medio nigricantibus. Subtus cinereus, macula in pectore fulva et ano fulvo. Vibrissæ nigræ, brèves, capiti longitudine æquales. Pedes albidi. Auriculæ magnæ, extus margine antico fusco pilosæ; inlus postice rufo pilosæ. Cauda bi- color, longissima. Gorporis longt., 0,082; pedis postici, 0,018. Mexicana tellus.

fl) Voyez le volume de 1860.

Errata de la note insérée dans le volume précédent.

Page 8. Le üassaris Sumichrasti n’habite pas les greniers, comme il a été dit par suite d’uuc transposition de notes, mais bien les forêts des régions chaudes.

Par contre, l’ Acanthylis scmicollaris, Sauss. (t. XI, 1 859, p. lit)), n’habite pas les forêts de la région chaude, mais les plaines du pla¬ teau.

PI. 9, f. 2. Le coloriste a donné à cette ligure une teinte trop vive.

PI. 20, f. 2, lisez Carollia.

4

ret. et mag. de zoologie. [Janvier \ 861 .)

A. R. mexicano differt vibrissis brevibus, dorso fusco, pedibus albis; cnuda bicolore et auricularum pilis.

II. Mumrnalia eliamnum in Mexico haud indicata.

1. Vulpes virginiana (Érxl.), Baird. In regione tota fréquenter occurrit. Cerlissime milii videtur species, una et eadem , pilo concolore et calvo simillimo illi quam Baird (Pacif. R. II. Report, tab.) depinxit.

2. Cercoleptes çaudivolvulus, Illig. In sylvis Cordil- leræ et regionum calidarum haud rarus, et a speciminibus Americæ meridionalis haud distinguendum.

III. De Sciuris mexicanis.

In continuatione operis partim jam editi (1) de mam- malibus mexicanis, notitias proferam de fauna illius re- gionis. Intérim hic de his animalibus breviter non nihil addo his quæ dixi in volumine præcedente (1860).

Sciurorum specierum in Mexico multas indicavere Les- son, Bachman, Wagner et alii; sed tantum très species distincte mihi occurrerunt sunt.

lu Sciurus carolinensis , Gmel., Baird. Speciminibus ex America boreali simillimus. Staturæ mediæ. Cauda corpore vix brevior. Supra fuscus, flavo dense tessellatus; dorso medio obscuriore, lateribus flavescentibus. In au- riculæ basi penicillus albidus. Cauda supra nigra, pilis apice albescentibus ; subtus in medio rufo flavescens; la¬ teribus nigris, albo submarginatis ; pilis ter cinnamomea annulatis.

Variât lateribus et pedibus rufescentibus et pectore ful- vescenle, venter variât albido-cinereus seu aurantiacus.

Sc. variegatüs , Exd. [Albipes , varius , socialis, Wagn.) (2).

Statura paulo majore. Cauda longe pilosa, deplanata, disticha, pilis longissimis hirsuta, corpore longior. Subtus rufo-aurantiacus; supra nigro et niveo tessellatus;

(ti Mémoires pour servir à l'histoire naturelle du Mexique , etc. In-4, Paris Victor Masson; Bâle, chez Georg.

(2 Sed non hypopyrrhus, ut Wicgmau putat.

TRAVAUX INÉDITS.

5

cruribus rufescentibus. Caput subtus albidum ; orbita, au- riculæ intus, et fascia inter oculum et auriculam, rufescen- tes. Auriculæ haud fimbriatæ, basi extus penicillo albido. Cauda supra atro et niveo varia, subtus nigra, niveo- niarginata, seu rufa, fascia utrinque nigra, maginibus albis. Pedes grisei , nigrescentes seu albescentes

Variât lateribus, humeris et dorsi parte antica rufo- aurantiacis; occipiti et sacro rufo-tessellatis; dorso supra late niveo-marmorato ; cruribus posticis rufo et albo tes- sellatis.

3U Sc. hypopyrrhus, Wagl. Sat magnus. Cauda corpore longior, cylindrica, vix depressa. Corpus supra fusco- griseum, fulvo-griseo pallido tessellatum. Colli latera pal- lida: pedes et rostrum nigra; vibrissæ nigræ, capite lon- giorcs. Vertex, occiput et cervix nigra, flavo-tessellata. Subtus, rufo-ferrugineus, fréquenter pilis nigris inler- mixtis, mento nigrescente. Cauda nigra, lata; pilis elon- gatis, nigris, apice fusco-grisescentibus. Auriculæ nigro- pilosæ niargine fimbriato, subpenicillalo; postice basi cirro pilorum griseorum instructæ. Dorsi pili basi pallide grisei , ante apicem fusco-annulati et in apice subful- vescentes. Gastrei pili basi cinerei, apice rufo-ferruginei.

Variât a.) Cauda tota nigra, fréquenter pilis basi ful- vescentibus.

b. ) Corpore nigrescente; ventre griseo, fulvescente, seu nigrescente, pilis apice fulvo paliide tessellatis.

c. ) Corpore loto nigro.

111e Sciurus a tempore Wagler auctoribus videtur igno- tus fuisse.

Considérations sur les oeufs des oiseaux , par A. Moquin-Tandon.

Voir le commencement de ce travail, vol. XI, 1859, p. 414 et 469, et vol. XII, 1860, p. 11, 57.

§ 4. Anomalies dans la coloration. Les œufs co-

6 rev. et mag. de zoologie. {Janvier 18G1.)

lorés varient plus ou moins , mais ces variations sont maintenues dans certaines limites, ainsi qu’on l’a vu plus haut. J’ai donné les principales nuances que présentent ceux de la Pie , du Geai, de la Perdrix rouye et de la Caille.

Dans un petit nombre de cas, les œufs tachetés peuvent devenir unicolores. Ceux de la Draine , quand ils sont sans taches, ressemblent à ceux de Y Étourneau (Vincelot). Ce sont les derniers œufs pondus, principalement dans les secondes et les troisièmes couvées , et ceux des jeunes fe¬ melles, qui naissent quelquefois sans maculation.

De leur côté, les œufs normalement colorés peuvent se présenter tout à fait blancs; j’en ai recueilli quelques exemples. Cela arrive surtout dans ceux à taches peu nom¬ breuses, petites et très-faibles. Ainsi, sur 8 œufs de Tro¬ glodyte qu’on vient de m’envoyer (1858) du département de la Nièvre, il y en a 5 avec les taches ordinaires, 2 d’à peine tachés et 1 de tout blanc. Je reviendrai bientôt sur les œufs albinos.

Quand les maculations sont foncées , leur présence semble plus constante. Sur 22 œufs de Grive pris au ha¬ sard, appartenant à six nids, j’en ai remarqué

16 avec les taches habituelles,

2 plus fortement tachetés,

2 plus faiblement,

2 sans taches.

22

D’autres fois, au contraire, les œufs blancs peuvent naître colorés. Ces derniers cas sont extrêmement rares. Je n’en connais aucun exemple observé à l’état sauvage.

On conserve, au muséum d’histoire naturelle, un œuf de Poule cochinchinoise offrant une teinte d’un brun rouge à peu près uniforme, analogue à celle des œufs de la Crécerelle.

TRAVAUX INÉDITS. 7

J’ai signalé un œuf de Paon nain, coloré en roussfttre, comme celui de la Pintade.

M. Bei ge a décrit et figure un œuf de Poule de taille normale, avec une large bande trèr-irréguiière d’un brun noir, et trois ou quatre grosses taches de la même cou¬ leur (1) ; on serait tenté de prendre cet œuf pour une va¬ riété produite par quelque Mouette.

J’ai expliqué ailleurs pourquoi les taches des œufs sont généralement plus nombreuses vers le gros bout que vers le petit, et pourquoi elles forment quelquefois une cou¬ ronne ou une espèce do guirlande. Bans quelques cir¬ constances, cette couronne a été déposée, au contraire, au petit bout.

On a vu, à l’article Pie, que, sur 187 œufs, il y en avait eu 27 avec une couronne très-marquée au gros bout et 4 avec une couronne au petit.

Je me rappelle avoir donné à M. Bâillon, d’Abbeville, un œuf de Catharle dont les taches étaient plus nom¬ breuses et plus rapprochées au petit bout.

Je possède, avec la même disposition, un œuf d ’Eper- vier, un de Hobereau, un de Buse , un de Pie-Grièche rousse, un d’ Ecorcheur, deux de Caille, et plusieurs de Becs fins, de Mouettes et d' Hirondelle de mer .

Pourquoi cette accumulation inverse des taches?

L’examen d’un œuf monstrueux ainsi moucheté me porte à supposer que ces œufs exceptionnels ont été pon¬ dus, par anomalie, le gros bout en avant.

Enfin, dans d’autres cas, la couronne dont il s’agit ne se trouve ni au gros bout ni au petit, mais vers le milieu (Man esse).

Dans les nids d°s Oiseaux à œufs colorés, on découvre quelquefois des œufs accidentcllemcift blancs ou albinos.

J’ai communiqué, dans le lomps, à M. Schmlz (2j et à

(t) Fortpfl. Vo§., t. II, p. 41, pi. ‘24, tig. 1.

(2) Beschreib. und .débité., p. 94.

8 ev. et mag. de zoologie. ( Janvier 1861.)

P0lvdore Roux (1), des œufs de Moineau tout à fait blancs. J’ai vu un œuf albinos dans un nid de Loriot , et un autre dans un nid d’ Hirondelle de cheminée. J’ai cité, plus haut, un œuf semblable de Troglodyte.

En général, les œufs accidentellement incolores sont rares chez les Oiseaux sauvages. Il n’en est pas de même chez les espèces de nos basses-cours. La domesticité influe puissamment sur la livrée des œufs; elle affaiblit leur teinte peu à peu et finit par déterminer leur albinisme.

Les Canards domestiques, aux environs de Toulouse, pondent, le plus habituellement, des œufs tout à fait dé¬ colorés. On sait que ceux des Canards sauvages ont une teinte verdâtre plus ou moins prononcée.

Les personnes qui élèvent des Pintades savent très-bien que, parmi les œufs piquetés de brun roux, particuliers à ces Gallinacés, on en trouve sans taches, lesquels sont tantôt roussàtres ou couleur nankin , tantôt tout à fait blancs.

Les œufs 'de la Poule d’Inde sauvage ressemblent, pour la coloration , à ceux du Coq de bruyère. Ceux de la race domestique sont extrêmement pâles, avec de petites ta¬ ches plus ou moins effacées, quelquefois à peu près nulles.

Tous cès faits donnent une grande probabilité à l’opi¬ nion des ornithologistes qui regardent , contrairement à l’idée de Buffon , les œufs de la Poule comme primitive¬ ment colorés et comme devenus blancs par l’effet de la domesticité. Ce qui confirme cette conclusion, c’est que ces œufs sont d’un blanc pur dans les races les plus an¬ ciennes ( Poules ordinaires ) , ou dans les plus abâtardies ( Poules naines)', que certaines races, introduites depuis peu ( brahmas-pootras , cochinchinoises), pondent encore des œufs roussàtres; que les genres les plus voisins du genre Gallus {Gallophasis , Catreus, Phasianus) ont des œufs de cette couleur.

On a vu , plus haut, que la lumière, au bout d’un cer-

(1) Ornith. pruv., I, p. 133.

TRAVAUX INÉDITS.

9

tain temps, pâlissait les œufs. Dans les collections un peu anciennes, dans celles surtout qui ont été exposées au grand jour, les œufs légèrement bleuâtres ( Autour , Mut - leux) deviennent blancs.

§ 5. La couleur des oeufs a-t-elle des rapports avec celle du plumage? Quelques auteurs ont cru trouver une relation entre les couleurs des œufs et celles du plumage des Oiseaux ; Buffon est un des premiers na¬ turalistes qui ont signalé ce rapport, qu’il a considéré comme constant (1).

Daudin a généralisé beaucoup moins cette proposi¬ tion (2) ; il l’a restreinte d’abord aux seuls Oiseaux de¬ meurés en liberté, et il a cru que ceux-là seulement dont le plumage est uniforme provenaient d’un œuf unicolore; il a admis, de plus, que les œufs tachetés pouvaient pro¬ duire des Oiseaux à plumage varié, et que plus leurs ta¬ ches étaient nombreuses, plus les couleurs du vêtement devaient être vives et tranchées.

Cette relation n’existe, dans la nature, ni absolue ni restreinte. La couleur du plumage n’offre aucun rapport, en général , avec la couleur des œufs (Manesse , Thiene- mann). Tous les Canards d’Europe présentent, comme on sait, un plumage à teintes foncées et variées, et ils pon¬ dent des œufs unicolores remarquables surtout par la p⬠leur de leurs nuances. Le Flamant aux teintes de rose, le Rollier d’un beau bleu d’aigue-marine, le Guêpier et le Martin-Pêcheur aux couleurs si tranchées, si écla¬ tantes, naissent tous d’un œuf uniformément blanc, tout à fait matou très-légèrement lustré.

Quelques ornithologistes ont borné ce rapport entre la couleur de l’œuf et celle du petit au moment de l’éclo-

(t) Article Coq. Bull'ou a conclu de cc rapport que la race pri¬ mitive des Poules a être une Poule blanche. Les Poules blanches sont des albinos, comme les Moineaux blancs, les Lapins blancs, les Souris blanches.

(2) Ornith., I, p. 157.

10 rev. et mag. de zoologie. ( Janvier 1861.)

sion. A la dernière exposition d’Angers, on a vu une belle collection oologiquc disposée de manière que , à côté de la plupart des œufs, on avait eu soin de placer le jeune poussin récemment éclos; le but des exposants était de montrer une sorte de relation entre le jeune animal et la coquille; mais ce rapport est bien loin d’étre général. Beaucoup d’Oiseaux, il est vrai, au moment de la nais¬ sance, sont recouverts d’un duvet roussâtrc, jaunâtre, grisâtre ou fout à fait blanc. Or il existe dans la nature un assez grand nombre d’œufs dont les coques présentent assez exactement ces mêmes caractères; mais il y a aussi des œufs azurés, des œufs bleus, des œufs verts, des

œufs roses, des œufs brun rouge, des œufs lilas . , et,

d’un autre côté, beaucoup d’Oiseaux viennent au monde sans plumes ni duvet.

Si j’insiste sur la non-relation de la couleur des œufs et de la teinte du plumage aujourd’hui bien connue , c’est parce que, dans une occasion importante, il y a quelques années, un savant physiologiste, consulté sur la couleur des œufs de plusieurs Oiseaux du Nord, soutenait encore le rapport de leurs nuances avec celles du plumage des Oiseaux qui les avaient produits.

Dans le croisement des espècçs, le sexe masculin n’in¬ flue pas plus sur la couleur des œufs que sur leur forme. L’abbé Manesse fait observer que la Poule ordinaire, fé¬ condée par le mâle du Faisan commun ou par celui de la Pintade , donne des œufs blancs semblables à ceux qu’elle auraitproduits avec son propre Coq, et que ceux do la Serine appariée avec le Chardonneret ou le Tarin sont toujours, à l’extérieur, ce qu’ils auraient été avec un mâle de son es¬ pèce (1).

Les couleurs des œufs, dans la plupart des groupes d’Oiseaux, présentent une certaine ressemblance, une sorte d’air de famille plus ou moins prononcé. La-

(1) Ooloqie, 1. 1, p. 41.

TRAVAUX INÜDITS.

il

pierre (1) est un des premiers ornithologistes qui ont appelé l'attention sur l’importance des études oologiques dans la recherche des rapports naturels. M. de la Fres- naye et surtout M. des Murs ont marché heureusement dans cette voie. Les observations de ce dernier savant sur les œufs du Caurale ( Scolopax helias, Lath.) (2), du Courlan [Ardca scolopacea, Gmel.) (3) et de la Poule sultane ( Porphyrio hyacinthinus , Tcmm.) ont jeté le plus grand jour sur la place que doivent occuper ces Oiseaux parmi

les familles naturelles . Moi-même, s’il est permis de me

citer, j’ai aussi concouru, mais pour une très-faible part, à faire servir les connaissances oologiques au perfection¬ nement de la taxonomie. J’ai, plus d’une fois, donné au savant auteur du Conspectus Aviutn des indications pré¬ cises qui appuyaient ou infirmaient les coupes génériques (malheureusement trop nombreuses) de son important ouvrage (4).

Tous les œufs des Alouettes sont finement pointillés ; ceux des Pies-Grièches ont des taches assez grandes, rela¬ tivement; ceux des Bruants se font remarquer par leurs zigzags. Chez les Saxicoles, la couleur se montre plus ou moins azurée et presque toujours unicolore; chez les Coraces, elle tire sur le vert foncé (5), avec des marbrures inégales dans leur forme et dans leur teinte (6); chez les

(1) Observ. sur la ponte des Ois., extrait de VHist. nat. de BufTon, édit. Sonnini, p. 4.

(2) Ardea helias , Gmel., Helias phalcnoides, Vicill., genre Eury- pyga d’Illiger.

1,3) Genre Aramea de Vieillot.

(4) « Plût à Dieu que tous les ornithologistes pussent s’éclairer, comme lui, du flambeau de l’oologie! » Ch Bonaparte, Noies sur le genre Moquinus, dans la llev. et mag. de zool ., 1837.

(5) Klein voudrait savoir pourquoi le Créateur a donné aux Oiseaux malpropres (sordidis), par exemple aux Corbeaux, des œufs élé¬ gamment colorés.

l6) Les œufs du Corbeau, de la Corneille , de la Corneille man- telée, du Freux, du Choucas oftreut le type de oette coloration ; ceux

12 rev. et mag. de zoologie. (Janvier 1861 .)

Plongeons, elle paraît d’un brun sombre avec des taches presque noires. Les Gallinacés ont des œufs roussâtres plus ou moins panachés de marron; les Mouettes et les Goélands en donnent d’olivâtres, largement maculés ou marbrés de brun foncé. De leur côté , les Hurles et les Canards en pondent de non tachetés , mais revêtus d’une livrée claire et uniforme. Il en est de même des Hérons et des Grèbes. Chez les Oiseaux de nuit, chez les Pics, chez les Pigeons, chez les Pétrels, les œufs sont tou¬ jours d’un blanc pur . Je n’en dirai pas davantage sur

ces caractères généraux; ils sont aujourd’hui écrits par¬ tout, mais principalement et d’une manière à peu près complète dans le dernier ouvrage que vient de publier M. des Murs (1).

Qu’on me permette, toutefois, d’ajouter deux faits dignes d’attention. Le Court-vite (Cursorius europœus , Lath.), Oiseau voisin de Y OEdicnème ( OEdicnemus crépi¬ tons, Temm.) (2), présente, sur son œuf, des mouchetures exactement semblables, pour la figure et la couleur, à celles qui caractérisent celui de ce dernier. La Perdrix huppée de Californie ( Lophorlyx californica, Bp.) pond des œufs qui ont la forme et la coloration de ceux de la Per¬ drix rouge de nos pays ; on dirait qu’on a devant les yeux une miniature de ces derniers.

Description de Coléoptères nouveaux du genre Sphodrus, Clairville, par L. W. Schaufuss, naturaliste à Dresde.

En établissant que les Sphodrus Schreibersi, Küst., et

de la Pie , du Casse-noix, du Choquard et du Coracias commencent à s’en éloigner; ceux du Geai s’en écartent un peu plus.

(1) Traité général d'Oologie ornithologique. Paris, 1860, 1 vol. grand in-8.

(2) Tcmminck place le premier Oiseau à la fin de scs Coureurs [Cursores), et le second en tête de scs Gr ailes ( Grallatores ), de manière que les genres se trouvent côte à côte.

TRAVAUX INEDITS.

13

Sphodrus Schmidti , Müll., sont différents, et que nous avons, en Allemagne, une troisième espèce de ce genre, je désire donner ici les diagnoses des Sphodrus (Dcjean) de ma col¬ lection.

Sphodrus Ghilianii. Aptcrus; piceo-ferrugineus ; thorace cordato, basi truncato, utrinque linea impressa, angulis subrectis; elytris subovatis, striatis; tibiis inicr- mediis gracilibus, rectis; unguiculis simplicibus; tarsis linea impressa instructis. Long., 7 lignes; larg., 2 3/4 lignes. Thoracis long., 1 1/2 ligne. Patria, Alp. mérid.

Syn., Sphodrus Ghilianii , Schaum, Insect. Deutschlands, t. I, p. 383.

Sphodrus glyptomer us, Chaudoir, Stettiner ent zeitung, 1859, p. 127.

Sphodrus cavicola. Apterus, subangulatus, piceus; thorace elongato, basi subemarginato, postice utrinque impresso, transversim depresso, angulis acutis; elytriselon- gatis, obovatis, punctato-striatis, punctis subtilissimis; li- biis intermediis rectis, validioribus; unguiculis simplicibus; tarsis pilosis. Long., 1 1/2 ligne; larg., 2 1/2 lignes. Thoracis long., 6 1/3 lignes. Patria, Styria, in caverno prope Stimberg, leg. F. D. Schmidt.

Syn. Sphodrus cavicola, Schaum, Insect. Deutschlmds, t. I, p. 382.

N. B. M. le professeur Schaum dit : capite juxta oculis parum prominulis utrinque bipunctnto. Cela n’est pas constant. Tous les Sphodrus ferrugineux, Dej., ont deux points sur le côté de la tête, avec un poil.

Sphodrus Schreibersi. Apterus, subangustatus, dilute ferrugineus, subpellucidus ; thorace elongato, basi trun¬ cato, utrinque linea impressa, linea intermedia ante ba¬ sin abbreviata, angulis acutis; elytris elliplicis, subcon- vexis, punctato-striatis, punctis subtilissimis, interstitiis planis; tibiis intermediis gracilibus, rectis; unguiculis simplicibus; tarsis selosis. Long., C lig.; larg., 2 1/4 lig.

14 kf.v. et mag. de zoologie. ( Janvier 1SG1.)

Thoracis long., 1 1/3 ligne. Patria, Styria, in caverno prope Adelsberg.

Syn., Küster, Kafer Europas , V, 24.

? Schautn. Inscct. Deutschlunds , t. I, p. 38*2.

Sphodrus Schmidti. Apterus, subangustatus, ferrii- gineus; thorace elongato, basi truncato, utrinque linea impressa, angulis subrectis ; elytris ellipticis, deplanatis, punctato-striatis, punctis subtilissimis , interstitiis con- vexiusculis; tibiis intermediis gracilibus, rectis; unguicu- lis simplicibus; tarsis setosis. Long., 6 1/2 lignes; larg., 2 1/4. Thoracis long., 1 1/2. Patria, Styria.

Syn. : Sphodrus Schmidti, Müll., Verhandl. d. zool., botan. Vereins, 1834, p. 24.

Sphodrus Schreibersi , in Schaum, Insect. Dcutschlands, t. I, p. 382.

Sphodrus dissimilis, n. sp. Apterus , subangustatus, testaceus , subpellucidus; thorace elongato, basi subsi- nuato, utrinque linea impressa, angulis valde acutis; ely¬ tris ellipticis, deplanatis, punctato-striatis; tibiis inter¬ mediis gracilibus, rectis; unguiculis simplicibus; tarsis setosis. Long., 5-5 1/4 lignes; larg., 2 lignes. Thoracis long., 1 1/4 ligne. Patria, Styria, in caverno Stu- denitz.

Sphodrus peleus, n. sp. Apterus, subangustatus, dilutn ferrugineus, subpellucidus; thorace elongato, basi si- nuato, utrinque linea impressa, angulis acutis; elytris obovalis, convcxiusculis, subtiliter slrialis ; tarsis inter¬ mediis rectis; unguiculis simplicibus; tarsis setosis. Long. 5 1/4-6 1/2 lignes; larg., 1 3/4-2 1/4. Thoracis long., 1 1/4-1 1/2 ligne. Patria, Hispan. occ. (monte Peleo, leg. auct.), in caverno N. N.

Sphodrus peleus, var. obscur'atus, n. sp. Apterus, sub¬ angustatus, piceo-ferrugineus ; thorace elongato, basi si- nuato, utrinque linea impressa, angulis acutis; elytris obovatis, convexiusculis, subtiliter striatis; tibiis inter¬ mediis rectis ; unguiculis simplicibus ; tarsis setosis.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

15

Long., 0 lignes: larg., 2 lignes. Thoracis long., 1 1/2 li¬ gne. Patria : Hispan. occ. (pieos de Europa, leg. auct.).

Sphodrua Fairmairci, n. sp. Apterus, angustatus, ter- rugineus ; thoracc elongato, subcordato, basi subsinuato, utrinque linea impressa, angulis posticis subrectis; ely tris elongato-obovatis, subtiliter slriatis; tibiis intermediis va- lidis, redis; ungniculis simplicibus; tarsis setosis. Long., G 1/2 lignes ; larg., 2 lignes. Thoracis long., 1 1 /4 ligne. Palria, Hispan. occ. (leg. auct.).

Dédié au savant entomologiste Léon Faii maire, «i Paris.

Sphodrus Reichenbaehi , n. sp. Apteras, niger; tho- raco cordato, postice utrinque impresso, angulis redis ; elytris ovalibus, deplanatis, subcyaneis vel cærulescen- tibus, punctato-striatis; antennis pedibusque piceis; tibiis intermediis incurvis; tarsis subpubescentibus; ungniculis simplicibus. Long., 6-6 1/2 lignes; larg., 2 1/3-2 3/4 li¬ gnes. Thoracis long., 1 1/2 ligne. Patria, Hispan. occ. (prov. Alnba. Huipuscoa, leg. auct )

Dédié au célèbre docteur Ludwig Reichenbach, direc¬ teur du musée d’histoire naturelle de Dresde.

II. SOCIÉTÉS SAVANTES.

Académie des sciences de Paris.

Séance du 3 janvier 1861. M Flourens fait hommage i\ l’Académie d’un exemplaire du livre qu’il vient de pu¬ blier sous ce litre : de lu Raison, du Génie et de la Folie.

« Dans la première partie de ce livre, dit M. Flourens, je donne une analyse toute nouvelle do la raison. La raison se compose de trois ordres de facultés : les facultés in¬ stinctives , les facultés intellectuelles et les facultés ration¬ nelles.

« Dans La deuxième partie, j’étudie le génie et je le rn

16 rev. et mag. de zoologle. ( Janvier 1861.)

mène à sa vraie nature, qui est d’appartenir à la raison, dont il marque le degré suprême, et non à la folie, comme quelques-uns le prétendent en ce moment.

« Dans la troisième partie, j’éclaire et j’explique la folie par la raison, et non la raison par la folie, comme le fait la nouvelle école psychologique , ce qui est l’ordre renversé du bon sens et de la logique. »

Séance du 14 janvier 1861. M. le docteur Eugène Robert présente un supplément aux recherches géologi¬ ques sur les matières, et principalement les pierres, tra¬ vaillées par les anciens Gaulois.

Séance du 21 janvier 1861. MM. N. Joly et Ch. Musset adressent un travail intitulé Nouvelles expériences sur l’hété¬ rogénéité.

« Dans notre communication relative aux générations spontanées, nous nous sommes attachés à établir que la vie apparaît dans les décoctions de substances organiques mises en contact direct avec l’air emprisonné dans les ca¬ vités naturelles des végétaux (courge, potiron, piment annuel) et, par conséquent, aussi dépouillé que possible des germes nombreux que l’on dit flotter sans cesse au sein de l’atmosphère. Dans le présent Mémoire, nous ex¬ poserons les résultats que nous avons obtenus en répétant, avec des soins minutieux, les expériences de MM. Schult- ze, Schwann, Hoffmann et Pasteur ; nous donnons ensuite les détails d’une expérience nouvelle qui nous appartient et qui, jointe à toutes les observations que nous avons faites depuis bientôt un an, nous dispose singulièrement à croire à la réalité des générations spontanées, du moins en ce qui concerne les êtres les plus inférieurs des deux règnes organiques.

« Qu’il nous suffise de dire que, malgré notre vif désir de ne pas prolonger inutilement le débat engagé entre les hétérogénistes cl les adversaires de Y hétérogénie, nous sommes forcés de déclarer que nos propres observations nous ont conduits à des résultats entièrement opposés à

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ceux qu’avaient annoncés les auteurs des expériences que nous avons répétées. Ainsi vainement nous avons soumis à une ébullition prolongée les substances organiques dont nous nous sommes servis; en vain nous avons fait subir une température très-élevée à l’air destiné à être introduit dans nos appareils; en vain nous lui avons fait traverser des tubes chauffés au rouge blanc ou remplis d’acide sulfurique concentré, nous avons constamment vu naître, dans nos matras, des productions organisées, très- simples, il est vrai, mais dont l’origine ne saurait, selon nous, être expliquée par les germes atmosphériques.

« Du reste, M. Hoffmann lui-même déclare que, si, « en réalité, on ne peut faire des expériences sans que la pous¬ sière qui flotte dans l’air apporte dans le liquide quelques spores de champignons, l’ébullition suffît pour les faire périr. »

« D’après l’un de nos plus habiles antagonistes, l’ébul¬ lition prolongée dans l’eau tuerait même tous les germes atmosphériques, y compris les spores des Mucédinées. Il est vrai que, trois mois plus tard, il annonce que des Vi¬ brions peuvent naître dans un liquide de la nature du lait (c’est-à-dire légèrement alcalin) qui a subi une ébul¬ lition de plusieurs minutes à la température de 100 de¬ grés, bien que cela n’arrive pas pour l’urine ni pour l’eau sucrée albumineuse. Nous ne nous chargeons pas de concilier ces assertions contradictoires ; aussi nous bor¬ nons-nous, en terminant cet extrait, à faire connaître l’ex¬ périence qui suit. Elle est basée sur la loi du mélange des gaz à travers les membranes humides. Or ces membranes sont considérées, par tous les savants, comme les filtres les plus fins dont on puisse se servir, et en effet leurs pores intermoléculaires sont d’une telle petitesse, qu’ils échappent à l’œil armé du meilleur microscope.

« Nous faisons bouillir dans de l’eau ordinaire deux cæcums de mouton et de petits morceaux de viande. Après une heure d’ébullition, nous remplissons les cæcums de 2* sérib. t. xm. Année 1861. 2

18 rev. et mag. de zoqeogie . ( Janvier 1861.)

notre décoction encore très-chaude, et nous y introdui¬ sons un des morceaux de viande. Alors, nous en servant comme d’éprouvette, nous y faisons arriver un courant d’hydrogène bien lavé, et nous lions fortement, quand le gaz remplit environ les trois quarts de la capacité des cæcums. Cela fait, nous les plaçons dans un vase plein d’eau, en ayant soin de constater l’intégrité des mem¬ branes. Que se passe-t-il alors? L’hydrogène, après quel¬ ques heures, se dégage, et l’air atmosphérique filtré le remplace ; les cæcums ont, pour ainsi dire, respiré.

« Comme la température était froide, nous avons pris le soin de tenir le vase à expérience dans un coin de notre cheminée. Pendant douze jours, la température du bain a varié de 3 à 25 degrés. Cet intervalle de temps écoulé, nous avons ouvert les cæcums; alors nous avons constaté la présence d'une assez grande quantité de Bac¬ téries très-agiles. Quant au critérium, il nous a donné les mêmes microzoaires , mais en nombre beaucoup plus grand. Ajoutons que le critérium n’avait pas été chauffé, et que sa température ne s’est pas élevée au-dessus de 8 degrés pendant toute la durée de l’expérience. Toute¬ fois cettte différence dans les résultats, très-facile d’ail¬ leurs à concevoir, n’en infirme en rien la valeur proba- tive. »

M. 31 Une- Edwards présente la première livraison de Y Iconographie générale des Ophidiens, par M. Jan, direc¬ teur du musée de Milan, et il appelle l’attention de l’Aca¬ démie sur le mérite de ce travail remarquable par l’exac¬ titude des détails.

Séance du 28 janvier 1861. M. Coste lit une Note sur le repeuplement du littoral par la création d'huitrières arti¬ ficielles.

« j’ai l’honneur de communiquer à l’Académie le ré¬ sultat des opérations de repeuplement que, par ordre de l’Empereur, l’administration de la marine exécute ou di¬ rige sur le littoral de la France. Cette communication sera

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accueillie, j’espère, avec faveur, car le succès est le ré¬ sultat de l’application d’une donnée abstraite de la science.

« Je n’insisterai pas sur les produits de la baie de Saint- Brieuc. Par la vue des branchages chargés d’ Huîtres déjà marchandes que je mets sous ses yeux, l’Académie pourra juger comment l’industrie a pu, à 15 ou 20 mètres de profondeur, accumuler la récolte où, auparavant, il n’y avait pas de trace de coquillage.

« Je veux surtout montrer aujourd’hui comment cette idée abstraite de la science, en pénétrant dans l’esprit de nos populations maritimes, les a conduites à fixer la mois¬ son sur les terrains émergents où, à mer basse, on peut donner des soins au coquillage comme, dans nos jardins, aux fruits des espaliers. Les appareils collecteurs de toute sorte, fascines, planches, tuiles, fragments de roche, tout s’y couvre d’Huîtres avec une telle profusion, que l’Océan se transforme en une véritable fabrique de sub¬ stance alimentaire.

« Dans l’ile de lté, de la pointe de Rivedoux à la pointe de Loix, sur une longueur de 3 à 4 lieues, une immense vasière a été convertie en champ de production d’une richesse inouïe. auparavant l’Huître ne pouvait se développer, les agents de l’administration en comptent, à l’heure qu’il est, en moyenne, GOOpar mètre carré ; ce qui donne, pour une superficie de 630,000 en exploitation, un total de 378,000,000 de sujets, la plupart ayant déjà une taille marchande, et représentant une valeur de 6,000,000 à 8,000,000 de francs.

« Ce travail, commencé seulement depuis deux ans, se poursuit avec une infatigable énergie dans tout le reste du pourtour de l’île. Il e§t l’œuvre des efforts combinés de plusieurs milliers d’hommes venus de l’intérieur des terres pour prendre possession de ce nouveau domaine. Quinze cents parcs y sont, dès à présent, en pleine acti¬ vité, et deux mille autres sont en voie de construction.

20 rev. et mag. üe zoologie. ( Janvier 1861.)

Los détenteurs de ces établissements, constitués en asso¬ ciation, ont nommé des délégués pour les représenter auprès de l’administration, et des gardes-jurés pour sur¬ veiller la récolte commune. Ils se réunissent en assem¬ blée générale pour délibérer sur les moyens de perfec¬ tionner leur industrie ; en sorte que, dans cette associa¬ tion, à côté de l’intérêt individuel se trouve représenté l’intérêt de la communauté.

« Dans la baie d’Areachon, l’industrie huîtrière se dé¬ veloppe dans les mêmes proportions qu’à l’île de Ré. Le bassin tout entier se transforme en un champ de produc¬ tion. Ici cent douze capitalistes, associés à cent douze marins, exploitent 400 hectares de terrains émergents, et l’État, pour donner l’exemple, a organisé deux sortes de fermes-modèles destinées à l’expérimentation de toutes les méthodes propres à fixer la semence et à rendre la récolte facile. L’application de ces méthodes a déjà amené une telle reproduction , que ce bassin est sur le point de de¬ venir un des centres les plus actifs des approvisionne¬ ments de nos marchés. Les qualités de forme et de goût (pie le coquillage y acquiert permettent de le livrer direc¬ tement à la consommation, sans lui faire subir préalable¬ ment les traitements auxquels on le soumet dans les parcs de perfectionnement. Les dépenses que ces manipulations exigent partout ailleurs étant supprimées ici, il en résul¬ tera une économie qui tournera à la fois au bénéfice du producteur et du consommateur.

« L’administration de la marine ne s’est pas bornée à créer des centres de production dans l’Océan; elle a voulu en former aussi sur nos côtes de la Méditerranée. Les premiers essais faits dans la rade de Toulon ont donné les résultats les plus satisfaisants : l’Académie peut en juger par le fragment de clayonnage que je mets sous ses yeux; la quantité d’Huîtres n’y est pas moins grande que sur les fragments de roche, sur les fascines, les plan¬ chers et lets tuiles pris à Saint-Brieuc, à l’île de Ré, au

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bassin d’Arcachon. C’est un fait qui ressort des divers échantillons déposés sur le bureau. »

M. Ollier adresse un Mémoire de physiologie intitulé, de i Accroissement en longueur des os des membres et de la part proportionnelle qu'y prennent leurs deux extrémités.

M. Pappenheim adresse des Notes, l’une sur les lym¬ phatiques du cœur chez les individus de sexe différent; la seconde, sur une vessie urinaire bicorne ; la dernière, sur un moyen auxiliaire pour l’exploration du larynx et des cavités nasales.

M. Lereboullet adresse un mémoire ayant pour titre, du Mode de fixation des œufs aux fausses pattes abdominales dans les Ecrevisses.

« Les naturalistes n’ont pas encore expliqué, du moins à ma connaissance, le mécanisme suivant lequel les œufs des Ecrevisses, et probablement aussi les œufs des autres Dé¬ capodes, se fixent aux appendices abdominaux. La des¬ cription de ce mécanisme fait le sujet du mémoire que j’ai l’honneur de présenter à l’Académie.

« Quelques semaines avant la ponte, il se forme sous l’abdomen, en dedans de l’arceau inférieur de chaque anneau, un dépôt particulier de couleur blanche, com¬ posé de granules microscopiques, de noyaux et de glo¬ bules graisseux. Ce dépôt se voit à travers la membrane cornée qui unit les anneaux les uns auxautres,sousla forme d’un liséré blanc qui borde, en avant et en arrière, l’ar¬ ceau inférieur. Il devient de plus en plus considérable jusqu’au moment de la ponte, et remplit, en outre, les cavités épimériennes, l’intérieur des fausses pattes abdo¬ minales et les lames natatoires de la queue. La matière blanche qui constitue ce dépôt a une consistance cré¬ meuse; mais, quand on la délaye dans l’eau, elle devient filante et grumeleuse.

« Au moment de la ponte, l’abdomen srê replie sur lui- même, de manière à former un sac dont les bords sont collés les uns aux autres par une matière visqueuse. L’in-

22 rev. et mag. de zoologie. ( Janvier 1861.)

térieur de ce sac est rempli d’un liquide glaireux, au mi¬ lieu duquel sont plongés les œufs encore mous et libres de toute adhérence aux parties voisines.

« A cette époque déjà le dépôt blanc a disparu.

« L’examen microscopique de ce dépôt, fait un peu avant sa disparition, le montre composé, presque en to¬ talité, de vésicules microscopiques d’un aspect uniforme. Ces vésicules se dissolvent et produisent un liquide qui suinte à travers la membrane cornée des segments et rem¬ plit très-promptement la poche abdominale. Le liquide ainsi produit a la propriété de se coaguler dans l’eau et de se transformer en une membrane amorphe. L’Ecre¬ visse, par les mouvements qu’elle imprime à l’abdomen, fait entrer une certaine quantité d’eau dans l’intérieur de la poche qui recèle les œufs , le liquide visqueux se coagule autour de ces derniers et les fixe aux fausses pattes à l’aide d’un pédicule qui se solidifie et s’allonge peu à peu.

« Quand tous les œufs sont suspendus, l’abdomen se déroule, et l’on ne trouve plus aucune trace du dépôt blanc qui avait précédé leur apparition.

« Le mécanisme de la fixation des œufs aux fausses pattes de l’abdomen se compose donc de plusieurs actes :

« De la formation d’un dépôt celluleux et granuleux sous l’abdomen, en dedans des segments;

« La dissolution de ce dépôt et sa transformation en un liquide visqueux qui suinte à travers les segments ab¬ dominaux ;

« Le reploiement de l’abdoment en forme de sac dont les bords correspondants se collent les uns aux au¬ tres, par l’effet du liquide visqueux, à l’aide des soies qui les garnissent;

« La ponte des œufs qui arrivent dans le sac et plon¬ gent au milieu du liquide dont il est rempli;

« La solidification lente et progressive de ce liquide

ANALYSES D’OUVRAGES NOUVEAUX. 23

et, par suite, la formation de l’enveloppe extérieure des œufs et des pédicules qui servent à les suspendre.

« Ce travail de sécrétion temporaire, dont le résulta), est la formation d’une matière granuleuse qui se résout elle-même en un liquide, se fait sans la présence d’aucune glande. 11 est possible que les cellules de la membrane dermoïdale du lest tiennent ici lieu de la tunique épithé¬ liale des glandes sécrétoires et en remplissent les fonc¬ tions.

« Je fais remarquer que la formation du liquide sé¬ crété est précédée de la résolution de la matière blanche déposée sous l’abdomen en une quantité innombrable de granules vésiculeux homogènes. Il est évident que c’est à la fonte de ces granules que le liquide doit son origine.

« D’après cela, on est en droit de se demander si, dans les sécrétions ordinaires, le liquide sécrété, au lieu de provenir du sang, ne résulterait pas de la dissolution de granules élémentaires qu’auraient produits et élaborés les cellules épithéliales. En d’autres termes, ces dernières cellules, au lieu de se borner à extraire du sang, sous forme liquide, le produit de la sécrétion, n’auraient-elles pas pour mission de former des granules, et ne serait-ce pas dans cette formation granuleuse que consisterait le travail d’élaboration qui constitue la sécrétion? »

III ANALYSES D’OUVRAGES NOUVEAUX.

Mémoires d’histoire naturelle du docteur 1). Pctblo de la Llavc , extraits du Registre) trimestre (1) publié à Mexico en 1832.

Nous croyons être agréable à nos lecteurs en leur don¬ nant la traduction des Mémoires zoologiques contenus (1) Rcgistro trimestre, o coleccion de memorias de historia, lilera- tura, cienciasy artes por uua sociedad de literatos Enero de 1832, t. I. Mexico, etc., 1832, in -8 (ou petit in-i espagnol'.

Ce tome est formé de 4 cahiers d’environ 100 pages (total, 513 p.

24 rev. et mag. de zoologie. (Janvier 1 861 .)

dans une publication extrêmement rare, qui ne se trouve dans presque aucune bibliothèque de l’Europe. Nous de¬ vons la connaissance de ce livre à notre ami M. Auguste Sallé, naturaliste-voyageur très- instruit et très-bon ob¬ servateur, qui nous a adressé la lettre suivante en nous donnant son travail :

« Ayant demandé à un de mes amis du Mexique le Re¬ gistre trimestre , o coleccion de memorias de historia, lite- ratura, ciencias y artes, por una sociedad de literatos, pu¬ blié à Mexico en 1832, il me répondit d’abord que cet ouvrage était épuisé. Cependant, au bout de quelque temps, il m’écrivit qu’il était parvenu , avec peine, à se procurer le premier volume de ce recueil , qu’il avait rencontré chez un bouquiniste de la ville de Mexico, et qu’il me l’enverrait à la prochaine occasion. Ce volume ne m’est parvenu que longtemps après, à cause de l’état déplorable dans lequel se trouve ce malheureux et beau pays, par suite de la guerre civile qui dure depuis plu¬ sieurs années, et qui ôte toute sécurité aux communica¬ tions. Parmi les intéressants articles relatifs à l’histoire naturelle qui se trouvent dans ce volume j’extrais, pour vos lecteurs, les suivants, qui ont trait à la zoologie et qui sont presque ignorés , ou du moins fort peu connus en Europe.

« Vous voudrez bien excuser les mauvaises traductions d’un voyageur qui est plus habile à chasser qu’à manier la plume.

ce Votre ami dévoué, A. Sallé, voyageur-naturaliste, rue Guy-de-la-Brosse, 13. »

Mémoire sur le Quetzaltototl , genre nouveau d’Oiseau, par le docteur D. Pablo de la Llave.

(Extrait du Registro trimestre, etc., p. 43.)

Une des branches de la zoologie qui intéresse le plus est celle qui traite des Oiseaux. La variété de leurs formes et de leurs mœurs, celle de leurs plumes et couleurs, et le langage particulier que chaque espèce a pour sub-

ANALYSES ^OUVRAGES NOUVEAUX.

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venir à ses besoins, doivent intéresser les amateurs du grand spectacle que présente la nature. Cette étude ne peut pas être avancée parmi nous, car à peine connais¬ sons-nous les Oiseaux cpii attirent l’attention par leur chant et la richesse de leurs couleurs, ou ceux qui sont destinés à la consommation et aux plaisirs de la table. Nous ne savons rien des autres, parce qu’il n’y a ni in¬ térêt ni motif de les étudier. En effet, pourquoi commettre des hostilités sur des Oiseaux qui n’ont pas d’utilité, dans un pays où, dans la plus grande partie de son ter¬ ritoire, vivent, tranquilles et sans crainte de l’homme, les Lièvres, les Perdrix et les Lapins?

Quand l’expédition d’histoire naturelle de la Nouvelle- Espagne, composée de MM. le directeur D. Martin Sesé, D. José Mariano Mocino, D. Juan del Castillo, D. José Longinos, fit ses envois d’objets en Espagne, en les adres¬ sant au directeur du cabinet de Madrid, on porta les caisses d’Oiseaux dans un magasin du palais del Ketiro; elles y restèrent environ quinze ans, et personne ne se rappelait plus de cela jusqu’à ce que les Français, étant entrés pour la seconde fois dans Madrid et occupant ledit palais, les soldats tombèrent sur les caisses et se distri¬ buèrent les Oiseaux. Averti par moi et ayant fait des dé¬ marches pour recouvrer ce trésor, l’Américain D. Fran¬ cisco Zea, qui était à la tête du département de l’instruc¬ tion. publique, au ministère du commerce, en fit ramasser ce qu’on put; on remit le tout à M. Mocino, et, à l’ou¬ verture des caisses (1), on trouva environ trois cents Oi¬ seaux.

(1) Les Oiseaux étaient restés dans le magasin du Rotiro pendant quinze ans dans le meilleur état, et, quand on les sortit, ils sem blaieut fraîchement préparés. Ils étaient dans des caisses de cèdre ( cedrella odorata), et sans plus de précautions que quelques petites poupées de camphre; mais, peu de jours après avoir été extraits et rangés dans une salle, je commençai à remarquer que les Vers les attaquaient, et ils ne purent être conservés qu’à force de soins et parce que je les visitais et soignais journellement. Quaud je partis

26 rev. et mag. de zooeogie. ( Janvier 1861.)

Dans cette collectionne commençai à étudier l’ornitho¬ logie, et, comme c’est une matière facile, en peu de temps je l’appris, et il me vint à l’esprit de reconnaître les Oi¬ seaux cpie l’on conservait dans ce cabinet d’histoire natu¬ relle. Il paraît étrange que, dans un établissement de cette espèce, les objets fussent restés si longtemps sans être dé¬ terminés, et que jamais il n’y ait été donné de leçons de zoologie. Le cabinet avait été fondé par un M. Davila, natif de Guayaquil, et M. Mocino, natif de Temascaltepec, dans l’État de Mexico. Longtemps après, ce fut le pre¬ mier qui y donna des cours de zoologie, ayant d’abord déterminé avec moi la collection d’Animaux de ce cabinet, excepté la plus grande partie des Insectes (1), parce que l’occasion manquait pour le faire.

La collection que nous sortîmes des caisses, suivant ce que me dit M. Mocino, avait été formée dans le Guate¬ mala. Les Oiseaux étaient remarquables par la variété de couleurs; mais, entre tous, brillait le Quetzaltototl , dont il y avait environ douze mâles et quelques femelles. Alors j’avais déjà vu beaucoup d’Oiseaux, et cependant je ne me lassais pas de voir et d’admirer un Oiseau aussi beau. La magnificence de sa robe, la richesse et le brillant du coloris, son attitude élégante appellent l’attention de

de Madrid, ou les mit au cabinet, et au bout de trois ans, quand je revins les voir, je les trouvai dévorés par les Vers, qui avaient con¬ sommé jusqu’à la côte des plumes les plus grosses. La même chose était arrivée auparavant à quantité d’Oiseaux de Mexico et d’autres pays qu’on avait envoyés au cabinet de Madrid, se conservaient seulement les pièces qu’avait apportées de France M. Davila, et par¬ ticulièrement les aquatiques. M. Baradière, qui a été à Mexico et a monté une quantité d’Oiseaux qui sont venus orner notre cabinet, préparait les peaux avec de l’arsenic, et, nonobstant cette précaution, quelques Oiseaux furent attaqués par les Vers.

i'I) Quoiqu’il y eût d’assez bons livres dans la bibliothèque du ca¬ binet, il n’y avait cependant pas les ouvrages modernes sur les In¬ sectes, et ou ne voulut pas nous les procurer. De plus, ayaut été per¬ sécuté à cette époque, M. Mocino ne put rien faire sur les Insectes, et iis restèrent ainsi sans déterminatiou.

ANALYSES ü’ OUVRAGES NOUVEAUX. 27

celui qui l’observe. Les premiers Mexicains, habiles à donner des noms propres aux choses, lui donnèrent celui de Quetzallototl , mot composé de tototl, Oiseau, et quct- zalli, chose riche, resplendissante et précieuse (1 .

M. Mocino croyait alors que cet Oiseau devait entrer dans le genre Bucco, et il m’assurait que .M. Sése l’avait pris pour un Paradisea , idée très-étrange, car l’un et l’autre se distinguent jusque dans la famille. M Mocino avait été séduit par le bec déprimé et les barbilles du Bucco, qui se trouvent aussi dans le Quetzaltololl; mais, pour moi, il offrait les caractères d’un autre genre, et les différences de cet Oiseau m’ont fait insister, dès le com¬ mencement, sur ce qu’il devait former un genre nouveau ; enfin M. Mocino convint aussi de cela. Ayant fait la des¬ cription et une dissertation étendue sur les raisons que j’avais pour le qualifier de genre nouveau, je dirigeai le tout par duplicata à M. Cuvier, professeur du muséum de Paris; mais il est probable que les papiers ne sont pas arrivés à leur destination, parce que jamais je n'ai eu de réponse. M. Geoffrov-Saint-Hilaire, professeur de zoologie dans le même musée, vint, à cette époque, à Madrid, et, à ce que je me rappelle, je lui parlai aussi de cet Oiseau très-précieux. Je me suis étendu sur la relation de tous ces antécédents, parce qu’ils ne sont pas du tout super¬ flus. Arrivons aux Quetzaltototls.

Cet Oiseau a une grande affinité avec le genre Trogon ; ses couleurs et leur distribution, la forme de son bec et son port l’approchent tant de ce genre, que celui qui en a vu ne peut pas faire moins que de s’en rappeler en je¬ tant les yeux sur le Quetzaltototl. Cependant il y a deux dif-

(1) Nous croyons que la parole mexicaine quctz illi est un abstrait équivalent à brillant, resplendissant, beau, délicat, et nous nous fondons sur ce que quetzalchalchinUI signili pierre précieuse bleue ou verte; quctzalitztli signifie émeraude, et quelzaluexolt équivaut à saule beau et délicat.

Nous avons pris la valeur de ces mots dans le dictionnaire du père Molina, du xvi8 siècle, dont il reste très-peu d’exemplaires.

28 rev. et mag. de zoologie. ( Janvier 1861.)

férences qui me paraissent balancer cette somme de rap¬ prochement ; ce sont le bec avec la marge du bord lisse, qui, dans le Trogon , est dentelé, et ensuite les cou¬ vertures de la queue, qui, par paire, vont s’allongeant jusqu’à dépasser une vara (0m,84), et aussi les couver¬ tures des ailes, qui tombent courbées en forme de cime¬ terre, et les couvrent toutes quand l’Animal les a pliées. Ainsi j’ai cru que ces deux caractères suffiraient pour faire un genre nouveau sans enfreindre la loi des affinités; et j’insiste d’autant plus là-dessus que la condition du bec lisse paraît induire qu’il doit y avoir quelques diffé¬ rences dans les mœurs de cet Oiseau. On m’a assuré que c’est dans les bois de la Verapaz qu’abonde le plus le Quetzaltototl; mais dernièrement il nous en est veuu de l’Etat des Chiapas, de la confédération mexicaine. Les anciens habitants de notre sol appréciaient beaucoup la plume de cet Oiseau doré, et les peuples de la juridiction dans laquelle il vit payaient à l’empereur un tribut de ces plumes, avec lesquelles on faisait des vêtements très- riches (1).

Il me paraissait impossible qu’après tant d’années (car j’avais décrit l’Oiseau en 1810), et après que beaucoup de curieux et d’amateurs avaient vu l’Animal et les dessins qu’on en avait faits, il n’eût pas encore été décrit, et c’est pour cela que je n’avais pas encore osé publier sa descrip¬ tion ; mais le prince de Wurtemberg, très-amateur et ex¬ pert dans l’ornithologie, étant venu à Mexico, m’assura que le Quetzaltototl , qu’il vit dans notre cabinet, était bien réellement nouveau. Il m’assura qu’il n’avait aucune

(1) J’ai entendu dire que, du temps des anciens Mexicains, il y avait une espèce de règlement pour chasser le Quetzaltototl sans le blesser. On lui prenait ses longues plumes et on le lâchait pour attendre que d’autres aient repoussé. M. Mocino me dit que l’expé- ditiou avait envoyé à Madrid une quantité suffisante de ces plumes pour orner un vêtement qu’on présenta à la reine Marie-Louise, et elle le conservait comme un bijou. La flexibilité de la côte de la plume fait qu’elle peut servir pour tous les ornements.

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ANALYSES d’OUVRAGES NOUVEAUX.

notion de cet Oiseau, et que, à son avis, pas un des ou¬ vrages ies plus récents d’histoire naturelle n’en faisait mention. D’après cela, il me semble que, sans être taxé de légèreté, je puis publier cet Oiseau comme genre nou¬ veau, en faisant connaître un objet que j’ai, le premier, observé au point de vue ornithologique. Je lui avais donné le nom générique de Pharomachre, qui, en grec, rappelle la longueur des plumes ou vêtement, et, quant au nom spécifique, je lui donnai celui de Mocino, pour conserver dans l’ornithologie la mémoire de ce célèbre et ma'heu- reux naturaliste (1).

Le Quetzaltototl, qui, vulgairement et par abréviation s’appelle Quezale, est un peu plus gros que 1 eTrogoncuru- cui; il a le bec court, déprimé, large à la base, échancré à la pointe de la mandibule supérieure, sans dents, de couleur jaunâtre, et les narines sont garnies de barbilles ou moustaches courtes; il a une crête de plumes qui, se doublant, part des tempes et forme une espèce de casque. La queue compte douze pennes ; les six supérieures noires, et celles d’en bas en grande partie blanches. Cette queue est recouverte par une portion de plumes sortant deux par deux , s’allongeant graduellement jusqu'aux dernières, qui, dans quelques individus, ont une vara (0ra,84). Ces longues plumes n’ont seulement que deux doigts de large, et la côte est assez élastique et flexible. Les plumes de la tête, celles de la moitié supérieure de la poitrine, celles de tout le cou, le manteau ou épaules et les couvertures de la queue sont d’un vert-émeraude doré qui, suivant l’exposition de la lumière, change en violet et bleu saphir. Les rémiges des ailes sont noires, et les plumes qui les recouvrent du vert dont nous avons parlé; elles sont disposées en forme de cimeterre, la pointe tournant vers le bec, et elles couvrent toute l’aile quand l’Animal est posé. Le dessous, depuis la moitié inférieure de la poitrine jusqu’au croupion, est rouge au

il' Voir la note A, à la fin de l’article.

30 rev - et mag. de zoologie. ( Janvier 1861.)

commencement et d’un sanguin noitrâtre qui dégénère en ponceau, et va en s’éclaircissant jusqu’à ce que, entre les cuisses, il arrive à décliner parfois en rose. Les plumes qui couvrent les cuisses sont noirâtres et les pieds presque de la même couleur, bas sur jambes et ayant deux doigts en avant et deux en arrière , car il est de la famille ou ordre des Grimpeurs. La femelle est plus grosse, mais les couvertures des ailes et de la queue ne sont pas aussi grandes, à ce que je me rappelle (car il y a bien des an¬ nées que je la vis, et je n’en ai pas gardé la description); elle est entièrement d’un vert doré, et la partie inférieure manque de rouge; mais je répète que je ne suis pas bien sûr de cela, pour les raisons susdites.

Maintenant voici la description de l’espèce. Comme nous avons des motifs de conjecturer qu’elle n’a pas été publiée, nous la mettrons en latin, afin qu’elle puisse s’insérer dans les ouvrages d’ornithologie qui s’impriment en cette langue.

Pharomacrus, e famiiia Scansorum , Trogonibus perquam affiuis,

ab bis tamen rostro edeututo tectricibusque lougis distiuctus. Pharomachrus'Mocino (1). Totus supra et usque ad pectoris me-

(li Quoique le prince Ch. Bonaparte, dans son Conspectus Avium , assigne la date de 1820 au nom de Trogon paradiseus, Bp., comme il ne le décrit pas, c’est le nom de Mocinno , la Llave , qui doit avoir la priorité. Voici la synonymie de cet Oiseau :

Quetzaltolotl , seu Ave plumarum divilum, Francisci Fernandez, cap. II, p. 13. Romæ, 1651.

Trogon paradiseus. Bp., 1826.- (Mais fut-il décrit?)

Pharomochrus Mocinno, de la Llave, 1831.

Trogon pavonius, Tem. (nec spix), pi. col. 372, 1835 ?

resplendens , Gould, Proceed. of lhe zoo l. Soc. of London, 1835. Gould, Mon. Trog., t. XXI.

Cülurus , Swains, 1837.

Calurus resplendens , Swaiusou, Class. of Birds , II, p. 337, 1837.

Sur les mœurs du Couroucou pavouin, par Delattre, Rev. zool., 1843, p. 163.

MM. Sclater et Salviu, Ou lhe Ornühology of central America ’* lhe Ibie a Magazine of general ornühology, vol. I, p. 132. 1850.

(A. Salle.)

ANALYSES l/OUVRAGES NOUVEAUX. 31

dii'tatem inferiorem viridi-aureo micaos ; subtus, rubro pictus , lectricibus cauda quadruplo longioribus.

Trogone curucui paulo major, rostro flavido, brevi, dopresso, basi lato, apice mandibula superiori emarginata. Caput plumulis cris- tatum, c temporibus provenientibus, sesc imbricantibus atq. iu galeam dispositis ac circumductis. Caudæ remiges 12, supcrio- res 6, aigri, inferiores majori ex parte caudidi. Tectrices caudæ per paria lougiores, postremæ aliquando uluam excedentes. Ala- rum remiges aigri, tectricibus subcurvis, plicatam alaui coope- rientibus. Pedes Scausorii, brèves, aigri, femoribus plumulis atris vestitis. Caput, collum, dorsum, superior pectoris mcdietas, ala- ruai caudæque tectrices, aureo smaragdiuo uitorc splcadeut in cæruleuui ac violaceum variauti. Subtus, ima pectoris medietate iuteuse sauguiaeus, de cætero, rubro dilution tmetus.

Habitat uemoribus Guatimalæ , atq. umbrosis iutricatis saltibus chiapaueusis mexicaoæ ditiouis.

Mexico, oovenibre le 10 de 1831, de la Llave.

Note A. M. Mocino , natif, comme nous l’avons dit, de Ternascaltepec, se consacra d'abord aux études théologi¬ ques. Il abandonna cette carrière pour suivre celle de la médecine, dans laquelle il arriva à avoir une grande répu¬ tation, pouvant vivre, par ce moyen, dans l’aisance et l’abondance. Quand vint l’expédition d’histoire naturelle, il se livra à cette classe de connaissances et commença à voyager, étendant ses excursions jusqu’à Guatemala et ensuite jusqu’à Nootka, il rendit des services impor¬ tants qui, certainement, comptent dans l’histoire naturelle de ce voyage, qui s’imprima à Madrid et parut, par frag¬ ments, dans le journal. Sur le territoire mexicain , il re¬ connut , par les ordres du comte de Kevillagigedo, le volcan de Tuxtla. Antérieurement, il avait été reconnaître celui de Jorullo, sur le cratère duquel il fit une magni¬ fique élégie en vers latins, de laquelle il doit être resté à Mexico un ou plusieurs exemplaires manuscrits. Quand l’expédition retourna en Espagne, M. Mocino, plus amou¬ reux de gloire que de revenus, renonça à tous ceux dont il jouissait dans son pays pour aller prendre sa part dans l’impression de ces travaux. Il arriva à Madrid; on lui fil

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une pension mesquine et qu’il avait beaucoup de peine à toucher; mais, constant dans sa résolution, jamais il ne voulut abandonner ses dessins et ses descriptions. Il vi¬ vait comme un pensionnaire dans la maison de M. Sesé. Après la mort de cet ami et le départ de sa veuve pour Mexico, Mocino resta à Madrid souffrant et dans le be¬ soin, mais soutenu par l’espérance de voir à quelques jours le fruit de tant d’années d’assiduité et de sacri¬ fices imprimé. Le gouvernement français de Madrid lui continua sa pension. On parlait quelquefois d’imprimer la flore du Mexique, mais on n’avait pas de fonds. Pendant ce .temps, M. Mocino fut nommé directeur du cabinet, et il y donna des cours de zoologie. Quand l’armée française de Madrid se retira, au moment on s’y attendait le moins, Mocino crut que son enseignement de l’histoire naturelle ne pouvait le compromettre, mais il se trompait; on le mena à la prison publique, il fut conduit avec une chaîne de galérien ; spectacle digne de ces jours-là, de voir marcher à pied, et lié par le bras avec un autre, un vieillard infirme qui pouvait à peine faire un pas, et sans lui porter secours. Enfin, en entrant dans la vieille Castille, un générai mit cette chaîne illustre, composée entièrement de personnes distinguées, en liberté. Mocino revint au cabinet. Les Français se retirèrent une seconde fois; mais cette retraite fut faite avec précipitation et dans le plus grand désordre, eu sorte que les riches afrancisés (partisans des Français) étaient obligés de suivre la retraite à pied. On peut se figurer l’abattement et la détresse qu’éprouvait Mocino. il emporta sur une charrette les ob¬ jets les plus précieux du cabinet, ses manuscrits et des¬ sins, pour les sauver tous. La nuit il dormait sur cette charrette, le jour ii la suivait à pied. Enfin un général français s’empara de tout; il ne sauva que ses manuscrits et quelques dessins. 11 ne pouvait plus maintenant revenir en Espagne; il resta assez longtemps à Montpellier, pres¬ que aveugle et mangeant du pain sec, jusqu’à ce que quel-

ANALYSES D’OUVRAGES NOUVEAUX.

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ques savants français et allemands le secoururent. En 1820, la constitution ayant été rétablie en Espagne, M. D. Juan Jabet, ministre de la marine et intime ami de Mocino, le fit venir pour l’avoir dans sa maison, en atten¬ dant qu’il pût lui procurer d’autres secours. Il entreprit son voyage, débarqua à Barcelone, le respectable M. D. Jacobo Villa-Urrutia le logea dans sa propre maison, et, peu après, il y mourut, nous laissant l’exemple d’un sa¬ vant qui sacrifia son bien-être par amour pour les sciences, et qui souffrit avec probité et dignité les maladies, les persécutions et la misère.

Cette note a peut-être été un peu longue; mais, ayant vécu avec Mocino et sachant ce qu’il était dans l’ordre scientifique et moral, j’ai cru de mon devoir de profiter de l’occasion pour rappeler ses mérites.

Mémoires pour servir à l’histoire naturelle du Mexique, des Antilles et des Etats-Unis. 2e mémoire. Essai d’une faune des Myriapodes du Mexique, avec la des¬ cription de quelques espèces des autres parties de l’Amé¬ rique, par Henry de Saussure. 1 vol. in-4, avec plan¬ ches. Genève, 1860.

Ainsi que le dit l’auteur dans sa préface, quoique ce mémoire porte le nom d’Essai d'une jaune des Myriapodes du Mexique, il est trèsMoin de réunir la totalité ou même la majorité des Animaux de cette classe qui habitent le Mexique. Il ne traite même pas de toutes les familles qui sont représentées dans ce pays, mais seulement de celles des Oniscodesmides, des Polydesmides, des Julides, des Sco- lopendrides et des Géophilides. Ce travail n’est qu’un pre¬ mier essai, comme l’indique son titre; il est surtout des¬ tiné à fournir des matériaux pour une faune plus com¬ plète du Mexique , et à faire connaître quelques espèces propres à d’autres parties du nouveau monde, matériaux qui serviront pour l’établissement de la faune de l’Amé- 28 série, t. xiii. Aunée 1861. 3

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rique septentrionale en général, c’est-à-dire de cette partie de l’Amérique continentale et insulaire qui se trouve située au nord de l’isthme de Panama.

Dans son introduction, M. de Saussure entre dans des détails intéressants sur les mœurs de ces Animaux, sur leur distribution géographique; il arrive ensuite à quel¬ ques observations relatives à la méthode, aux procédés de préparation de ces Animaux pour les conserver en col¬ lection, et enfin à la discussion des caractères des groupes et à la description des espèces. Nous ne saurions suivre l’auteur dans celte partie de son travail, qui nous a sem¬ blé traitée avec tout le soin et le talent si connus avec les¬ quels il a traité beaucoup d’autres ouvrages zoologiques. Ce mémoire est accompagné de 7 planches gravées, dont ies figures ont été dessinées par un de nos plus habiles peintres d’histoire naturelle, M. Nicolet, et dont plusieurs sont coloriées.

Pour compléter sa série de Myriapodes recueillis au Mexique, à Cuba, etc., M. de Saussure a décrit un grand nombre d’espèces qui lui ont été procurées par M. Aug. Sallé, naturaliste-voyageur et excellent observateur, qui a séjourné longtemps au .Mexique et qui en a rapporté une foule d’Animaux admirablement bien conservés. Beaucoup d’espèces propres à l'île de Cuba lui ont été données par notre savant ami M. Felipe Poey, qui s’occupe avec tant de succès de l’histoire naturelle de cette île. (G. M.)

IV. MÉLANGES ET NOUVELLES.

Le Jardin zoologique de Marseille.

Cet établissement a été fondé, il y a quinze ans, par actions, et sur l’initiative de M, Barthélemy Lapomeraye, auquel revient tout l’honneur de cette grande et si utile idée.

Tous les actionnaires sont Marseillais et, par consé¬ quent, négociants. Homme de science avant fout, le pre-

mélanges et nouvelles.

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mier directeur du jardin avait l’unique mais grand dé¬ faut, pour le chef d’une société en commandite, de ne pas savoir compter. (Test assez dire que, le jardin ayant été établi sur des bases excessivement larges, son rendement a été faible, en sorte que la position du directeur est de¬ venue de plus en plus intenable , jusqu’au moment où, passant entre les mains énergiques de M. Noël Suquet, elle a reçu toutes les améliorations qu’on pouvait lui ap¬ porter auprès d’actionnaires découragés. Confiant dans l’avenir de son jardin, et sans se laisser rebuter par la mauvaise humeur de ses actionnaires, le peu d’intérêt du conseil municipal et l’apathie du public, M. N. Suquet, avec un dévouement qui l’honore d’autant plus qu’il n’est pas riche, n’a pas hésité à combler le déficit de sa caisse avec sa fortune particulière, qui s’y est engouffrée en totalité. Qu’il me pardonne celte indiscrétion échappée à mon admiration pour un dévouement à la science qui rappelle celui des Rüppel, des Desclieux , des Adanson, et de tant d’autres encore; il est d’autant plus remar¬ quable, qu’il serait toujours demeuré inconnu si nous ne l’avions signalé à la gratitude des amis de la science. A bout de ressources, M. Suquet voyait enfin arriver, avec l’année 1861, l’affreux moment où, ne pouvant plus suf¬ fire à ses dépenses, il devrait proposer la liquidation de son jardin. Chose incroyable, personne, dans le public marseillais, ne s’est ému de cette déplorable perspective et n’a cherché à éviter la catastrophe. M. Suquet espérait causer avec l’Empereur, lors de son voyage à Marseille, et l’intéresser à une fondation si utile, si indispensable à une aussi grande ville; mais il a été déçu dans son attente, S. M. n’ayant pas daigné honorer le jardin zoologique de sa visite. A bout de ressources , l’infortuné directeur s’était enfin résigné à la liquidation de la Société, lorsque M. de Maupas fut mis à la tête de l’administration dépar¬ tementale. Vite il accourt alors à lui , lui expose la situa¬ tion désespérée de son jardin. Homme d’énergie autant

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que de progrès, M. de Maupas n’hésita point à lui pro¬ mettre son appui, grâce auquel, peu de jours après, la position du jardin était devenue excellente et son avenir assuré. Cet habile administrateur a bien mérité de tous les amis de la science, et l’histoire dira un jour que c’est à lui que Marseille doit d’avoir conservé un de ses plus beaux ornements, une de ses gloires les plus solides.

Placé au-dessus de la ville, au pied de la branche occi¬ dentale du canal de la Durance, le jardin zoologique oc¬ cupe tout le versant sud-est d’une colline qui est divisée en deux parties presque égales par la route impériale, au-dessus de laquelle on a jeté un beau pont qui les relie. L’exposition est magnifique, abritée, le sol excellent et l’eau abondante; mais les constructions laissent beau¬ coup à désirer, en sorte que la plupart des animaux sont peu ou point du tout protégés contre les intempéries des saisons. Les bêtes féroces sont exceptionnellement mal logées, parce que, faute de fonds, on a les laisser dans de simples cages de ménagerie elles ont peine à se tourner. Grâce à M. de Maupas, ce déplorable état de choses va changer, et l’habile directeur du jardin n’aura plus, à 1’ «avenir, le chagrin de perdre presque régulière¬ ment les plus beaux et les plus rares sujets de sa remar¬ quable collection. Forcé d’utiliser tout ce qu’il avait, M. Suquet devait loger ses Animaux, jusqu’ici, se trouvait une cabane toute préparée , sans consulter le moins du monde ce qui convenait â leur santé; de vient que les espèces se trouvent mélangées dans un désordre très-pittoresque, il est vrai , mais peu scienti¬ fique et nuisible au repos de beaucoup d’entre elles. C’est ainsi que les Chamois, les Moutons et les Cerfs se trouvent au-dessous des Tigres, des Loups, des Chacals et des Lions; les Mouflons, les Antilopes et les Daims près de la fosse aux Ours et aux Panthères; les Poules à côté des Hiboux et des Chouettes. Bien plus, cloîtrés dans l’ancien salon du directeur, les pauvres Singes, exposés en plein

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ouest, ne voient jamais le soleil, et il n’y a pas de volière pour les Perroquets, qu’on est forcé de laisser enfermés dans des cages étroites ou attachés sur des perchoirs.

C’est encore au manque d’argent pour les acheter qu’on doit attribuer l’absence de familles entières dans ce beau jardin ; on y chercherait vainement un Buffle, un San¬ glier, un Kanguroo, une Martre, un Hérisson, un Tapir ou un Castor, et, parmi les Oiseaux, un Emou, un Faisan, un Plongeon, une Grèbe, un Touraco, un Goura, un Agami, un Merle, une Outarde ou un Guêpier. Il y a peu de Reptiles amphibies, pas un seul Serpent, pas un seul Poisson, pas un seul Insecte. Les espèces de plantes sont bien choisies, mais peu nombreuses, et on les a prises plutôt dans les familles ornementales que dans celles qui sont curieuses ou utiles , ce qui leur enlève leur plus grand intérêt. Voilà, certes, d’immenses lacunes; mais le zèle de M. Suquet les aura vite comblées, à présent qu'il a de quoi acheter des Animaux, des plantes, ainsi que des aliments, des engrais, et de quoi bâtir des loges, des écuries et des serres.

Les Animaux qui peuplent le jardin lui ont été presque tous donnés par des amateurs ou des capitaines de na¬ vires; fort peu ont été achetés; mais parmi ces derniers brillent, au premier rang, la Girafe, le Rhinocéros, l’Elé¬ phant et les Lamas. Le Rhinocéros est énorme; il pro¬ vient d’une ménagerie ambulante qui, pendant onze ans, l’a promené dans toute l’Europe enfermé dans une cage étroite. A son arrivée au jardin, le pauvre Animal ne pouvait plus se mouvoir, en sorte qu’il lui a fallu plu¬ sieurs semaines pour réapprendre à marcher, et des mois entiers pour lui donner le courage de gagner l’étang, il se tient plongé pendant toute la journée, en ne faisant d’autre mouvement que de relever la tête toutes les qua¬ rante secondes pour aspirer l’air, et l’enfoncer derechef pour la relever, et ainsi de suite pendant toute la jour¬ née. Ces mouvements rhythmiques se retrouvent, d ailleurs,

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chez beaucoup d’Animaux, et tout spécialement chez les féroces, ils deviennent d’une monotonie étourdissante. Qui n’a, par exemple, été fatigué en voyant un Ours blanc se balancer de droite à gauche, toujours de la même ma¬ nière et à la même place, pendant des heures entières ?

La Girafe est un fort bel exemplaire; mais l’Éléphant mâle, d’Asie, est certainement le plus beau qui existe en Europe; il est d’une douceur et d’une gaieté vraiment charmantes. Chaque jour, pendant deux semaines, nous avons passé des heures entières à observer cet intelligent Animal, dont la masse énorme possède une souplesse, une agilité vraiment incroyables. Non-seulement l’Éléphant ploie aisément toutes les articulations de ses jambes, mais il grimpe sans peine contre une palissade, faisant ainsi porter tout le poids de son corps sur ses jambes de der¬ rière. Rien de plus curieux que de le voir se baigner : d’abord il remplit sa trompe d’eau et se lave la bouche; puis il avance lentementtdans l’eau, qu’il bat avec vio¬ lence avec une des jambes de devant, et fouette avec sa trompe; enfin il s’y couche sur le flanc en poussant des cris rie joie aussi éclatants que le son du clairon. Son plus grand plaisir consiste à lancer aux passants de petits graviers qu’il ramasse autour de sa loge, ou à projeter sur eux un brouillard humide obtenu en chassant brusque¬ ment l’aii au travers de sa trompe préalablement remplie d’eau.

Les Lamas sont magnifiques ; mais le mâle, qui est assez méchant, sc fait un malin plaisir d’asperger si souvent les visiteurs de sa bave fétide, que nous ne saurions trop les mettre en garde contre cette détestable bête.

Les Cerfs sont beaux et nombreux, puisque leur collec¬ tion se compose des Cerfs communs, de Sardaigne, d Afri¬ que, Daims, Axis et Hippélaphe. Ce dernier est un vieux mâle de toute beauté ; il reste seul d’une paire venue de Calcutta il y a quelques années ; la femelle est morte après avoir mis bas, et son petit l’a suivie de près. Grand

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MÉLANGES EL' NOUVELLES.

comme un fort Cheval, d’un naturel aussi doux que pai sihle, robuste et facile à nourrir, le Cerf hippélaphe pour rait fournir, avec d’exeeljente viande de boucherie, un bon Animal de irait ou de selle; le fait est que celui de Marseille se laisse monter volontiers et a les allures aussi douces que sûres.

Les Antilopes sont remarquablement belles et se mul¬ tiplient aisément. Le jardin possède une magnifique paire de Nilgauts, une autre de Bubales; puis des Cuibs, des Pourprées, des Kevels, des Dorcas, et enfin un Chamois femelle des Pyrénées. Les Nilgaults et les Bubales sont fort à redouter; car, dans leurs allures paisibles, ils ca¬ chent la plus brutale méchanceté. Les petites espèces, par contre, sont assez douces, mais très-farouches, sauf l’An¬ tilope guib , dont la gentillesse est à la hauteur de la beauté; c’est un Animai domestique déjà, et que nous ne saurions trop recommander aux amateurs. Les parcs de ces Animaux sont divisés en deux parties : l’une sèche, dans laquelle on les tient habituellement; l’autre couverte d’herbe, on ne les lâche que deux fois par semaine, ce qui permet au pâturage de conserver toute sa fraî¬ cheur.

Les Moutons ne sont représentés que par une belle paire de Mouflons à manchettes,, un troupeau de Mou¬ lons de l’Yémen , quelques brebis à laine grossière île la côte d’Afrique, des Moutons à large queue , et un gros Bélier de l’Inde à poil ras et bosse sur le garrot. Les Mouflons à manchettes sont très-doux , privés , et se re¬ produisent régulièrement. Les Moutons de l’Yémen sont à poil ras, noir devant et blanc derrière ; leur taille est moyenne, leurs oreilles pendantes; leur queue courte, mais garnie, de chaque côté, de deux loupes graisseuses de la grosseur du poing. Cette espèce, très-douce, est remarquable par la délicatesse de sa chair, l’abondance de son lait et sa fertilité, car elle fait deux portées par

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an, chacune de plusieurs petits; nous appelons vivement sur elle l’attention des agriculteurs.

La race caprine n’a pas de membres sauvages ; elle est représentée , par contre , par une foule de belles espèces plus ou moins domestiques, en tête desquelles on re¬ marque les Chèvres de Géorgie, du Thibet, puis celles d’Angora, celles d’Égypte, et enfin la si gracieuse Chèvre naine de l’Inde.

La Chèvre de Géorgie , importée pour la première fois en Europe, est couverte de longs poils gris foncé, à la base desquels se développe un duvet aussi fin, mais beau¬ coup plus abondant que celui de la Chèvre de Cache¬ mire. Comme cette espèce est robuste , bonne laitière et fait deux petits à la fois , il est possible qu’elle puisse fournir économiquement à nos manufactures le précieux duvet avec lequel on fabrique les châles de Cachemire.

Les Angoras sont de toute beauté. Quant aux égyp¬ tiennes, elles constituent un assemblage déplorable de croisements tellement multiples, qu’on a peine à y re¬ connaître l’espèce pure, si précieuse pour l’abondance de son excellent lait. Nous en avons, en échange, re¬ marqué un fort bel exemplaire au parc de la Tête d’or, tenu par Gérard, à Lyon. Les Chèvres naines, de la taille des Gazelles, so-nt presque aussi légères qu’elles, très-robustes; elies se reproduisent aisément, et pour¬ raient bien fournir une fois à nos forêts un nouveau gi¬ bier aussi délicat et bien plus abondant que le farouche Chevreuil.

Parmi les Rongeurs, on ne remarque, outre les légions d’affreux Surmulots qui pullulent dans les égouts, qu’un Paca, un Agouti et un Coëndou, condamnés à vivre dans de petites et obscures cages, ils ont peine à se tourner.

L’année dernière, on voyait souvent se promener, sur les pelouses de l’établissement, un être rachitique, grand comme un enfant de douze ans , à la démarche chance-

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lante, à l’expression douce et impassible; c’était un infor¬ tuné Orang-Outang dont l’intelligence était excessivement développée; il est mort pendant l’hiver. Le jardin a reçu, il y a quelques mois, une nouvelle espèce de Cynocéphale, de la côte occidentale d’Afrique; il est grand, hideux, fort et féroce, comme tous ses congénères. Dans la cage des Singes, la Guenon grivet se reproduit très-régu¬ lièrement, on ne remarque, à côté des sales Papions, que quelques gracieux et gentils Sapajous. Dans une cage séparée se trouve une Guenon Diane, dont la douceur et la gaieté sont égales à la beauté; il est vraiment à re¬ gretter que cet Animal , qui est le plus beau et le plus gentil des Singes, soit tellement rare. Les Ouistitis sont nombreux et fort beaux; mais leur mauvaise odeur ainsi que leurs cris perçants ne nous permettent pas de nous y arrêter.

Un pauvre Maki mococo languit dans une cage qui n’est guère plus longue que lui; on a peine à découvrir ses formes à la fois si délicates et si sveltes, tant il est obligé de se replier sur lui-même. Le Maki mococo ou gris, lorsqu’il est en liberté, est certainement un des plus beaux Animaux qui existent; nous en avons vu un, chez le fameux marchand d’Animaux Crémieux, aussi grand qu’un Chat, et dont ia queue touffue et garnie d’anneaux alternativement blancs et noirs venait se recourber gra¬ cieusement en panache derrière la tête de l’Animal, lors¬ qu’il était assis. Les Makis sont doux, gais, intelligents, aussi attachés que des Chiens, faciles à nourrir, excessi¬ vement propres, exempts de toute mauvaise odeur; que leur manque-t-il donc pour prendre place dans la fa¬ mille , à côté des Chiens et des Chats, sinon d’être connus ?

De la nombreuse famille des bêtes féroces nous signa¬ lerons d’abord deux magnifiques paires de Panthères pro¬ venant, l’une de l’Algérie, l’autre de la côte Mozam¬ bique, admirablement logées dans une grotte bien ex-

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rev. et mag. de zuologie. ( Janvier 1861.)

posée, au devant de laquelle s’étend un vaste promenoir couvert de grilles. On les voit souvent s’étendre paresseu¬ sement au soleil, sur de grandes branches d’arbres ou sur les anfractuosités du rocher, ce qui permet d’admirer, dans leurs moindres détails, la beauté et la souplesse de leurs formes. La taille des deux paires est identique, mais la couleur très-différente, puisque la Panthère mozambique a les taches plus petites que celles de sa sœur algérienne, et le fond du pelage jaune brun, au lieu du blanc sale de celle-ci.

Dans la rotonde grillée, placée à côté de celle des Pan¬ thères, s’ébattent trois paires d’Ours des Pyrénées, des Alpes et de Syrie. Cette dernière est très-différente des deux autres; elle est plus criarde, plus méchante; son pelage blanc sale et son museau très-allongé la rappro¬ chent un peu de l’Ours polaire.

11 y avait, dans la ménagerie proprement dite, une belle paire de Guépards d’Abyssinie, qui avait été amenée par un officier de marine, en compagnie duquel elle avait familièrement passé plusieurs années. Quoique enfermés dans des cages assez spacieuses, ces infortunés Guépards, habitués à la liberté, ne tardèrent pas à souffrir ; ils ne sortaient de leur langueur que pour caresser affectueu¬ sement la main qu’on passait au travers de leurs bar¬ reaux ; le mâle surtout était excessivement sensible aux caresses, et certes il en méritait de tous les visiteurs, car il est difficile d’imaginer un ensemble de formes plus sveltes, plus attrayantes que celles du Guépard; nous nous étions réellement attaché à cette admirable bête, dont nous avions souvent sollicité, mais en vain, la mise en liberté. Cette année, à peine descendu du chemin de fer, nous accourons vers notre ancien ami; il était couché le dos contre la grille; nous l’appelons ; il ne bouge pas; une caresse reçoit pour réponse un sourd grondement; l’Ani¬ mal était malade; son poil hérissé trahissait ses souffrances; le lendemain, quand nous revînmes, nous apprîmes avec

mélanges et nouvelles.

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joie que la mort l’avait enfin arraché à sa prison. Le Gué- pard n’est pas un Tigre affamé de sang; partout il existe, on i’uLilise comme Chien de chasse ; c’est un Ani¬ mal domestique; pourquoi l’enfermer derrière des grilles; c’est une injustice autant qu’une barbarie.

Poursuivons maintenant. Voici une paire de jeunes Lions rachitiques; un magnifique Jaguar; des Loups; des Chacals; un beau Fennec; un Raton; un farouche Serval; des Hyènes; une Genette ; une belle Civette; une superbe paire d’Ichueumons d’Égypte, et un robuste Tatou delà Guyane. Citons enfin , parmi les féroces très-rares, une paire de Kinkajous potos de toute beauté.

Dans un pavillon place près de la ménagerie se trou¬ vent plusieurs belles espèces d’Aigles, un Condor et beau¬ coup de Vautours, tous plus laids et plus fétides les uns que les autres. Ailleurs se trouvent encore quelques beaux exemplaires de Grands-Ducs, d’Effraies, de Chouettes, de Faucons, de Crécerelles, et un gros Corbeau de roche qui salue ses visiteurs d’un canaille des plus nettement accentués.

La collection de Perroquets est réellement belle par son éclat; elle est malheureusement très-incomplète. Riche en Aras, en Kakatoès, en Loris , elle est pauvre en Perruches, dont elle ne possède qu’une paire de Nymphi- ques, et une nombreuse famille d’Ondulées, qui cache ses timides amours dans la même maisonnette qu’une paire de Colombes lumachelles , et une autre d’Ocypaphs huppés. Ces derniers, qui, depuis leur arrivée au jardin, ont déjà eu trois couvées successives , promettent un nouveau et fructueux embellissement à nos volières, car ce magnifique Pigeon est aussi un de.' plus doux et îles plus fertiles. Gros comme un Biset, l’Ocypaphs a la tête ornée d’une longue huppe pointue; son plumage gris clair est admirablement relevé par les larges ocelles vert doré qui plaquent les grosses pennes des ailes , ainsi que par la couleur rouge de ses pieds et de ses yeux.

44 rev. et mag. ue zoologie. (Janvier 1 861 .)

Les Gallinacés sont représentés par quelques Poules, puis par des Dindons , des Paons blancs et communs, de charmantes Pintades à joues bleues venues du Soudan, quelques Perdrix, des Francolins, des Colins, des Gan- gas, des Tourterelles, et par plusieurs belles paires de Hoccos et de Pénélopes. Ces derniers, réunis dans une seule et même volière, sont toujours en guerre, c’est-à-dire dans les plus mauvaises conditions pour se multiplier; il est indispensable de les isoler, et, plus encore, de leur fournir en abondance de la verdure, dont ces Oiseaux ont le plus grand besoin. Cette passion des légumes verts est commune, du reste, à tous les Oiseaux, tout spéciale¬ ment aux Perroquets , qui se délectent à manger une grosse laitue bien plus encore qu’à déchiqueter un mor¬ ceau de pain ou de biscuit.

Les Echassiers sont très-nombreux; il y en a une es¬ pèce toute nouvelle et très-grande venue du Congo ; c’est une Grue dont la base du bec est couverte de caroncules rouges; elle est noire et blanche comme la Grue de Mantchourie. Citons, après elle, les Grues couronnée et demoiselle de Numidie; les Cigognes blanches, mara¬ bout et jabiru, puis les Flamants et les graves Ibis. Les Flamants viennent d’Egypte; tous sont roses, avec les ailes rouges; mais, tandis que les uns ont les jambes et le bec blancs, les autres les ont rouges. Est-ce une diffé¬ rence sexuelle ou d’âge? M. Suquet n’a pu nous le dire; mais il nous a affirmé que leurs couleurs se fanaient avec les années et revenaient au blanc presque pur. Cette al¬ tération du plumage pourrait bien être due autant au changement de nourriture qu’à celui du climat, car on nourrit, au jardin, les Flamants uniquement avec des graines, tandis que, à l’état sauvage, ils ne mangent que de la chair.

Dans l’eau s’ébattent, à côté des lourds Pélicans, des Cygnes blancs et noirs, des Oies d’Egypte, de Si¬ bérie , du Canada ; des Canards musqués , communs ,

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kasarka, tadorne et du Labrador ; des Mouettes criardes; de charmantes Sarcelles communes, de Chine et de la Caroline ; des Foulques, des Porphyrions et des Poules d’eau de plusieurs espèces. Ces nombreuses espèces , réunies dans un même local, ne vivent pas en bonne harmonie; les Tadornes et les Mouettes surtout menacent et harcèlent tout ce qui les approche; c’est assez dire que les pontes sont rares sur les bords des étangs; il y en a eu quelques-unes cependant; mais aucune n’a été menée à bonne fin, parce que les Rats et surtout les Mouettes enlevaient les œufs des nids. Pour multiplier les Oiseaux, il est donc indispensable d’en isoler les cou¬ ples, ce qui permet de les mieux soigner et de mettre leurs produits à l’abri de la terrible dent des Rats.

Les Autruches viennent d’Afrique et ont été données par le maréchal Pélissier; elles sont magnifiques; ii y a un mâle et deux femelles; mais l’une n’a pas pondu, et, au moment nous l’avons vue, elle était si fort mal¬ traitée par la seconde, qu’on avait les séparer. La femelle valide avait pondu, pendant les trois premiers mois d’été, 65 œufs de 1,500 grammes chacun, et, après s’être reposée durant quelques semaines, elle se remit à pondre à la fin d’août, de deux jours l’un, régulièrement à cinq heures du soir. Le mâle avait creusé un nid dans un coin du parc; mais la femelle n’y faisait pas attention; vers quatre heures, elle se mettait à courir avec inquié¬ tude; quelques minutes avant cinq heures, elle battait des ailes, s’accroupissait â terre et laissait aussitôt sortir l’œuf, qui avait la surface tout humide et gluante. Ces Oiseaux, quoique très-apprivoisés, sont brutaux et mé¬ chants; ils ne reconnaissent pas leur gardien, et frappent du bec et du genou les personnes qui entrent dans leur parc.

Une charmante et spacieuse volière réunit une foule de brillants Oiseaux des tropiques, tels que Bengalis, Sénégalis , Veuves, Cardinaux, Jgnicolores , Papes et

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Tisserands. Ces derniers ont attaché sur plusieurs points du grillage leurs nids artistement tressés en forme de bouteille et y ont pondu.

Tous ces splendides Oiseaux des pays chauds se repro¬ duiraient facilement à Marseille, s’ils pouvaient abriter leurs nids; mais, exposés de toutes parts aux regards et aux graviers qu’on ne fait pas faute de leur jeter, bien peu d’entre eux osent achever les nids et encore moins y pondre et y couver leurs œufs.

Wesserling, IG décembre 1860.

Sacc.

Le ver a soie de l’ail ante.

Dans un moment l’attention publique est appelée sur la question cotonnière, sur cette grande industrie anglaise menacée dans sa source par les graves événements qui ont lieu en Amérique ; à une époque l’industrie de la soie est presque aux abois dans tous les pays de production de cette riche matière textile, les agriculteurs et les industriels se préoccupent de la nouvelle production que je m’efforce de donner à la France et à l’Europe, de cette ailantine ou cynthiane, qui tient le milieu entre la soie et la laine, et qui peut être produite à très-bas prix dans nos plus mauvaises terres. C’est pour encourager les débuts de cette nouvelle industrie que le jury de l’exposition uni¬ verselle de Besançon m’a décerné une médaille de pre¬ mière classe, et c’est dans le même but que le comice agricole de Chinon vient d’honorer du même témoignage M. le comte de Lamote-Baracé, le premier propriétaire français qui ait entrepris cette culture sur une grande échelle. On lit, à ce sujet, dans la Patrie du 31 janvier 1861 :

« La nouvelle branche d’agriculture à laquelle l’intro¬ duction de ce Ver à soie va donner lieu commence à se développer sérieusement, grâce au dévouement et à l’éner¬ gie de M. Guérin-Méneville, qui l’a acclimaté en France,

MÉLANGES ET NOUVELLES.

47

et de M. ie comte do Lamote-Baracé, qui, le premier, s’est livré à des cultures sérieuses de l’ailante et de son Ver à soie , en y consacrant plusieurs hectares dans son beau domaine du Coudray-Montpensier, près Chinon.

« Le comice de Chinon, dont tous les membres ont été té¬ moins du dévouement et des succès de IvL de Lamote, ayant compris toute l’importance de cette nouvelle culture et voulant donner un haut témoignage de gratitude à M. de Lamote, lui a décerné, dans sa dernière séance solen¬ nelle, une médaille d’or.

« Aujourd’hui, après deux années d’essais agricoles faits sur une grande échelle, M. le comte de Lamote-Baracé, plus certain que jamais des avantages que cette nouvelle culture peut donner au pays, augmente considérablement ses plantations d’ailantes. »

Une si flatteuse distinction, décernée spontanément et à si juste titre par des agriculteurs qui ont pu étudier la question de très-près et sans prévention ni jalousie, a une double portée; elle est un précieux encouragement pour les propriétaires qui veulent bien m’aider à donner cette richesse au pays, et elle montre que l’on apprécie les efforts que je ne cesse de faire, malgré une foide de con¬ trariétés, pour développer cette culture, en y consacrant toutes mes facultés et tout mon temps.

Ainsi que me l’écrit un propriétaire hollandais qui a l’intention d’introduire ce nouveau Ver à soie dans les colonies néerlandaises, « i! est évident que cette soie ne « coûtera pas plus cher que le coton , puisque le terrain « ne coûte rien et que la main-d’œuvre n’est que de « 20 pour 100 de ce qu’on doit payer en France. » Il re¬ garde aussi cette industrie comme d’un avenir précieux, et il termine en disant : « Maintenant toute l’Europe est « tributaire de l’Angleterre pour le coton; il serait donc « d’une immense importance, si nous parvenions à faire « concurrence à l’industrie cotonnière. » (G. M.)

48 rev. et mag. de zooeogie. (Janvier 1861 .)

Plusieurs de nos abonnés nous ayant demandé s’il était vrai que M. Sallé (1) se fûi défait de toutes les collections zoologiques récoltées par lui au Mexique, à la Louisiane, au Venezuela, à Saint-Domingue, etc., nous croyons de¬ voir leur répondre qu’il n’en est rien, et que ce natura¬ liste-voyageur possède des séries magnifiques d’ Animaux vertébrés, de Reptiles, de Mollusques et surtout d’in¬ sectes préparés et conservés avec la plus rare perfection.

Ce qui rend surtout ses collections précieuses pour les naturalistes qui veulent étudier la faune des pays qu’il a explorés, c’est qu’il ne s’est pas borné à récolter les grandes et belles espèces, mais que ce voyageur instruit s’est aussi attaché à la recherche des objets négligés par le vulgaire des explorateurs, parce qu’ils sont moins ap¬ parents, moins brillants et qu’ils ne conviennent qu’à des savants sérieux. Dans ce moment même, il s’occupe à préparer une série merveilleuse d’insectes de petite taille dont il a rapporté des quantités considérables, et parmi lesquels nous avons remarqué les espèces les plus cu¬ rieuses et les plus neuves. On peut dire, sans exagération, qu’il serait impossible de trouver ailleurs une collection aussi intéressante et aussi réellement scientifique.

(1) Rue Guy-de-Ia-Brosse, 13, à Paris.

TABLE DES MATIÈRES.

Pa ges .

H. Saussure. Note complémentaire sur quelques Mammifères

du Mexique. . 3

A. Moquin-Tandon. Considérations sur les œufs des Oi¬ seaux. 5

L. VV. Schaufuss. Description de Coléoptères nouveaux du

genre Sphodrus. 12

Académie desscieuces. 15

Analyses. 23

Mélanges et nouvelles. 34

PARIS.— IMP. DE Mme Ve BOIJCHARD-HUZARD, RUE DE U’EPERON, 5 —1801 .

REVUE

RT MAGASIN

DE ZOOLOGIE

PURE ET APPLIQUEE.

RECUEIL MENSUEL

drstiné a faciliter aux savants de tous les pays les MOYENS DF PUBLIER LEURS OBSERVATIONS DH ZOOLOGIE PURR ET APPLIQUÉE A i.’industrir et a l’agriculture, leurs travaux de PALÉONTOLOGIE, D’ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES , ET A LES TENIR AU COURANT

DES NOUVELLES DÉCOUVERTES ET DES PROGRÈS DE LA SCIENCE;

M. F. E. GUÉRIN-MÉNEVILLE,

Membre de Ja Légion d'honneur, de l’ordre brésilien de la Rose, de la Sociép

impériale et centrale d 'Agriculture , des Académies royales des Science» de .Madrid et de Turin, de l’Académie royale d’Agriciilture de Turin, de la Société impériale des naturalistes de •Moscou, d’nn grand nombre d’autres Sociétés nationales et étrangères ,

Secrétaire du Conseil de la Société impériale zoologique d'Acclimaiation , etc., etc.

PARIS,

AU BUREAU DF LA REVUE ET MAGASIN DE ZOOLOGIE,

RUB DES BEADX-ARTS,

VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. - FÉVRIER 1K61

I. TRAVAUX INÉDITS.

Oolügie ornithologique. Lettre de J. Hardy, de Dieppe, à M. O. des Murs.

Les œufs des Oiseaux, que l’on croyait retombés dans l’oubli, en sont enfin sortis pour gagner leur cause au grand jour de la publicité. Naguère encore, on pouvait impunément les assimiler à des chinoiseries, à ces mille articles dits de curiosité (1) qui garnissent les magasins de nos marchands de bric-à-brac.

Le temps de ces humiliations est heureusement passé. Aujourd’hui chacun s’empresse à entourer ces curiosités de délicats égards. Les mathématiciens ne se contentent plus de les peser, de les mesurer; grâce à leur dévoue¬ ment, nous saurons bientôt l’étendue de leurs diverses maculatures, et jusqu’au chiffre exact des innombrables petits points dont certaines coquilles sont entièrement re¬ couvertes. La chimie nous livre le secret de leur colora¬ tion, et l’ornithologie méthodique, qui voit en elles une puissance avec laquelle il faudra décidément compter, dit à la science nouvelle : ma sœur, et déclare ne plus vouloir se passer de son appui.

Plus que personne, vous devez me pardonner, mon¬ sieur, de me souvenir que mon chétif appel de 1857 (2) ait pu contribuer à ce mouvement de réveil, car il est, en grande partie, le fruit de vos persévérants efforts.

1) Il y a à peine deux ans qu’un de mes amis, demandant à visiter la collection d'œufs du muséum de Paris, fut introduit en ces termes auprès de M. Florent-Prévost, par un employé de 1 établissement a Monsieur est un amateur de curiosités. »

(2) lier, et mag. de zoologie, 1857.

série, t. xiii. Année 1 86 1 .

4

50 rev. et mag. r>E zoologie. (Février 1861.)

Dès lo lendemain de cet appel, « vous serez, m’écriviez- (( vous, probablement cause que j’en reviendrai à re- « prendre et publier mon ancien travail, dont je vous livre « les lambeaux (vos publications de 184*2 et années sui- « vantes, dont j’avais ignoré l’existence). »

Presque en même temps, une décision non moins heu¬ reuse était prise par un des membres les plus distingués de l’Institut. M. Moquin-Tandon, rajeunissant d’anciens souvenirs , donnait les descriptions scrupuleusement exactes de ses OEufs et nids du midi de la France, aux¬ quelles succéda bientôt l’intéressante série de Considéra¬ tions, qui, depuis trois ans, enrichissent le présent recueil du célèbre M. Guérin-Méneville.

M. Moquin-Tandon avait promis peu, il a livré beau¬ coup; sous sa plume facile et savante, de simples notes ne pouvaient que se transformer en leçons instructives et très-bien exposées, et, pour ma part, je leur suis très-re¬ connaissant des bonnes et excellentes choses qu’elles m’ont apprises et de la trop généreuse hospitalité dont elles m’ont honoré.

Malheureusement les annales et les revues scientifiques, même les plus renommées, ne s’adressent qu’à des audi¬ toires d’élite; leurs enseignements ne descendent qu’à la longue dans le public. Le livre, au contraire, y entre de plain-pied et a bien vite obtenu droit de cité dans toutes les bibliothèques, s’il répond à un besoin généralement senti.

Tel s’est présenté, monsieur, votre Traité général d’oo- logie ornithologique, dont l’apparition a été saluée partout comme une bonne fortune.

MM. J. Verreaux et le docteur Cornay, dont la compé¬ tence est au-dessus de touie contestation, n’ont voulu céder à personne le plaisir d’être les premiers à vous offrir l’hommage public de leurs cordiales félicitations; de hauts et non moins précieux encouragements les avaient précédés dans votre retraite ; enfin de plus humbles, sinon aussi

TRAVAUX INÉDITS.

51

flatteurs témoignages, ne vous ont pas fait défaut; ils avaient à vous remercier d’avoir mis à la portée de tous ce qui n’avait été, jusqu’à présent, que le privilège du très-petit nombre ; d’avoir joint les travaux de vos devan¬ ciers aux vôtres, qui en sont plus que le couronnement; car vous avez ouvert la voie dans laquelle il faudra mar¬ cher pour atteindre le but utile : le meilleur classement des Oiseaux par l’étude dejeur vie de reproduction.

Mon idée de faire dépendre la forme de l’œuf de la pose de l’Oiseau, soit à l’état de repos, soit à l’état de l'action, c’est-à-dire de tout mouvement ou même de toute pose tendant à contracter les parois de l’abdomen, ne vous pa¬ raît pas malheureusement née viable; j’en suis peiné, car elle semblait avoir au moins l’avantage d’éclairer certains faits qui resteront encore dans l’ombre, même après vos brillantes publications et celles de M. Moquin-Tandon. Je voulais abandonner au temps le soin de détruire ou de consolider mon frêle édifice. Cependant une de vos notes supplémentaires (1), qui m’avait échappé, m’exprimant le désir de me voir donner plus de développement à ma pensée, me fait un devoir d’y déférer avec plaisir. Je m’étais déjà repenti d’avoir trop peu fait pour me rendre intelligible, et la première lecture de votre Traité aurait me faire prévenir votre désir; car j’y avais rencontré, presque à chaque page, un esprit de droiture et de loyale confraternité attentive à s’oublier soi-même pour ac¬ cueillir et mettre en relief la moindre idée pouvant servir la cause commune, et j’aurais comprendre que vous ne m’aviez pas suffisamment entendu.

Je vais essayer de réparer mon tort; malheureusement je ne puis éviter le reproche de n’avoir qu’un petit nombre de faits à produire: veuillez les peser et non les compter. Je ne ferais pas une semblable prière, s’il m’était donné d’échanger vos richesses contre ma pauvreté.

J’ai dit que certains Oiseaux pondaient, en captivité,

Traité général d'oologie ornithologique, p. 629.

52 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

des œufs plus allongés que ceux pondus à l’état de liberté, tandis que rien de semblable ne s’observait chez d’autres.

Cet allongement n’est point un fait accidentel; il se re¬ nouvelle tous les jours sous nos yeux et sous l’empire de9 mêmes circonstances. Il va jusqu’à défigurer complète¬ ment les œufs et les rendre méconnaissables. En voici quelques exemples tirés de ma collection particulière.

Des œufs d’Oies rieuses, des moissons et à bec court se transforment en œufs de Flamant; il n’y manque que la couche de craie.

Les Goélands, dont la forme est très-variable, ne con¬ naissent plus que celle qui leur était le moins habituelle à l’état de liberté, celle du Plongeon dans sa longue expres¬ sion. J’ai des Bourguemestres dont les diamètres sont de 0m,086 sur 0m,051, alors que la moyenne des sujets déni¬ chés à l’état de liberté est de 0m,076 sur 0m,055. J’ai com¬ paré la vie agitée du Goéland libre à sa monotone exis¬ tence dans nos jardins.

L’œuf du fier Aigle royal, du grand Aigle, en captivité, est descendu jusqu’au niveau du dernier Echassier de sa race, le Serpentaire reptilivore! ové très-allongé, 0"“,082 sur 0m,055.

Même allongement chez les Vautours fauve et arrian; l’un de ces derniers , qui fait partie de ma collection et a été pondu à la ménagerie du jardin des plantes, mesure 0"‘,101 sur 0m,067 : c’est un fort œuf de Grue cendrée, à la couleur près. L’auteur de ces produits déformés ne pouvait que se tenir forcément incliné sur le sol de sa cage.

Les Grands-Ducs ont, dans cette même ménagerie, un domicile spécial, au haut duquel se trouve une espèce de cabinet noir, ménagé comme refuge contre la clarté du jour, mais sous condition de s’y tenir accroupis sur le plancher. Dans ce refuge, une femelle a pondu des œufs allongés comme ceux d’un Grèbe. Le dessin de l’un de ces œufs, conservé par l’administration, m’a été envoyé ; il

TRAVAUX INÉDITS. 53

mesure 0“,066 de grand diamètre sur 0m,0i8 (1), au lieu de 0,n,060 sur 0'“,050, forme normale.

Deux œufs de Grand-Duc du Cap, pondus aux mêmes lieux, sont encore plus allongés.

Cependant je sais une autre femelle de notre Grand-Duc bien logée, au milieu d’un parc solitaire, dans un pavillon elle peut conserver, tout à son aise, la dignité de son maintien ( perpendiculaire ), et elle y pond, chaque année, des œufs tout aussi arrondis que ceux dénichés dans nos montagnes. J’en dois un bel exemplaire à la bienveillante attention de son noble propriétaire (2).

En même temps j’observe que la captivité n’exerce au¬ cune influence sur la forme des œufs de nos petits Oiseaux, qui jouissent, en effet, dans leurs volières, de l’entière li¬ berté de leurs mouvements et de leurs ébats, comme s’ils étaient encore dans nos vergers ou nos bois.

Le simple rapprochement de ces faits m’a semblé en donner bien clairement la cause, et sans qu’il fût besoin d’appeler la science à son aide.

Ce n’est donc pas la captivité en elle-même qui modifie la forme de l’œuf, mais bien la difficulté ou l’impossibilité, pour l’Oiseau, de conserver la liberté de ses allures et le choix de sa tenue habituelle. La pose de l’Oiseau déter¬ mine donc la forme de l’œuf; il s’est incliné, l’œuf s’est allongé.

Cette explication nous donnerait l’intelligence d’un autre phénomène qui répond au premier.

On trouve dans le même nid , et pondus par le même Oiseau, un œuf court et un autre allongé, soit deux œufs ayant le même volume sous deux formes très-différentes, et cela en dehors des petites variétés journalières dues, les

(1) Telles soûl les proportions relatives des grand et petit diamètres chez le Grèbe, dont la forme elliptique laisse souvent apercevoir un bout moins aigu que l’autre, ce qu’on trouve aussi chez les œufs de Cormoran, plus étroits et plus allongés.

(2) M. le comte de Greffulhe.

54 uev. et mag. ue zoulogie. ( Février 1861.)

unes, à l’âge de la pondeuse, les autres attribuées, par quelques personnes, au sexe de l’œuf. Les Moineaux do¬ mestiques, les Freux, les Corneilles, les Goélands ne sont point avares de ces contrastes. J’ai trouvé, dans une couvée de Chouette Tengmalm , qu’un ami dévoué (1) m’avait déni¬ chée en Russie, avec les parents, deux œufs de forme or¬ dinaire, et les deux autres allongés, ovalo-elliptiques, et, sur dix couples d’œufs de Grue cendrée , dénichés par le même ami, deux exemplaires de forme courte et large, comme des œufs de Vautour, l’un mesurant O"1, 088 sur O"1, 067, l’autre 0m,084 sur 0m,066. Or, si l’on a le droit de conclure du connu à Y inconnu, puisqu’un Vautour, en se tenant baissé, produit des œufs allongés comme ceux d’une Grue cendrée, pourquoi celle-ci, en se redressant, ne pourrait-elle pas produire, à son tour, des œufs courts comme ceux du Vautour?

Ou je me fais illusion, ou l’envahissement du bassin de l’Oiseau par un corps aussi volumineux que son œuf, alors

(1) Mon concitoyen Édouard Martin, chasseur aussi habile et intré¬ pide qu’exact observateur. De la Russie, qu’il habite depuis longtemps, il m’a envoyé de curieuses et intéressantes notes, principalement sur les Oiseaux du gouvernement dePerin, aux monts Ourals, et, au mi¬ lieu d’une collection d’espèces portant le cachet de ces climats singu¬ liers, tous les états et les œufs d’une petite Buse à teinte de rouille, dont j’avais déjà procuré à M. Degland un exemplaire jeune, venant de Kalouga. Je communiquai notes et Oiseaux à cet ami ; la petite Buse ne répondait ni au texte ni à la figure de la B. Tachardus de le Vaillant, et l’excellent auteur de l'Ornithologie européenne s’em¬ pressa, par reconnaissance et sur mon invitation, d’euregistrer la race ou nouvelle espèce sous le nom de Buteo Martini, dans un supplé¬ ment qu’il allait terminer, quand une mort prématurée l’enleva, le l"r janvier 1856, à notre affection. Cette œuvre posthume, savamment complétée et transformée en deuxième édition par le dévouement tout filial de l’une de nos célébrités zoologiques, est attendue avec une impatience d’autant plus grande, que la première édition paraît épuisée depuis longtemps.

L’année dernière, Édouard Martin m’envoyait de sa chasse deux additions à faire au catalogue européen, Ficus Félicite (Malherbe , Picoidcs crissoleucus? (Brandt).

TRAVAUX INÉDITS.

55

que déjà l’oviducte a pris son prodigieux accroissement, doit être le signal d’une grande perturbation. L’envahis¬ seur ne peut ni avancer ni se développer dans son tor¬ tueux et flexible canal, sans trouver résistance de la part du premier occupant , le tube intestinal, qu’il lui faut, dans sa marche fatale, refouler et déplacer pour arriver à son but. La force de cette résistance, évidemment, sera proportionnée au volume de l’envahi, et, si nous voulons bien nous souvenir de ce qui précède, devra dépendre, quanta son influence sur la forme du liquide envahisseur, de la pose horizontale, perpendiculaire ou inclinée de l’Oiseau, selon que celui-ci se tiendra dans l’état du repos , qui dilate, ou de Y action , qui contracte l’abdomen, ou, pour mieux dire, écarte ou rapproche les barrières du champ clos la lutte est engagée.

Des diverses positions qu’a pu prendre l’Oiseau pendant cette lutte, une seule, la dernière, nous intéresse, celle qu’il a au moment une nouvelle, peut-être même une première, émission de bouillie calcaire survenant enve¬ loppe l’œuf encore mou, le saisit et le maintient dans l’état il l’a trouvé, puis se durcit plus ou moins vite, en raison de son épaisseur, comme le ferait une application de plâtre ou de ciment romain.

Ainsi plus un Oiseau varierait dans ses poses , plus son œuf varierait dans ses formes, et vice versa.

Le Moineau domestique vit au milieu de nous, la Per¬ drix grise tout près de nous ; qu’on les étudie un seul jour, à l’époque intéressante, et qu’on juge.

L’Oiseau de proie se tient droit dans le repos; ses plu¬ mes, légèrement soulevées et pendantes, témoignent d’une détente générale du système musculaire; ses intestins manquent de volume et ne font point obstacle à la descente de l’œuf, qui s’affaisse sur lui-même en s’élargissant dans son tube, lequel cède doucement à la pression; l’œuf est court et arrondi.

Que l’Oiseau vienne à s’agiter ou simplement à se re-

56 rev. et mag. de zoologie. (Février 1861.)

plier sur lui-même , la perpendicularité de l’oviducte n’existe déjà plus; l’abdomen, resserré, agit sur l’intestin, qui presse, à son tour, le flanc de l’œuf; voilà le premier petit bout obtenu, et nous avons vu, plus haut, jusqu’à quel point il peut s’allonger.

La science voudra-t-elle admettre que, dans une circon¬ stance donnée, l’œuf puisse se trouver engagé dans l’éche¬ veau des intestins de manière à ce que la partie déplacée, au lieu d’être précipitée, comme cela a presque toujours lieu, soit, au contraire, refoulée en haut? Dans ce cas, nous comprendrions l’exception, que j’avais jadis prise pour la règle, sur la foi d’autrui, le gros bout en bas et sortant le premier.

Le Pic est le symbole de Y action dans la pose perpen¬ diculaire ; soit qu’il s’élance d’un point à un autre de son canton, qu’il escalade son tronc d’arbre ou qu’il s’y tienne cramponné, tout en lui dénote l’effort. Dans ces conditions, l’œuf doit être sanglé, sa forme ovée, avec un petit bout plus ou moins obtus; parfois, elle nous montre, chez le Pic noir et le Pic vert, une coupe elliptique, qui fait songer au sac récent de la fourmilière voisine.

Il y a perpendicularité de l’oviducte chez la Pintade, au dos voûté, au ventre rentré, à la queue basse. Plongé dans cette espèce d’entonnoir évasé, déjà rempli par la grande masse fluide des intestins, l’œuf-type est court - ové ; le diamètre transversal, se prolongeant jusque vers son sommet, quelque peu déprimé, donne à cet œuf une forme à part, qui va toujours se dégradant, en passant par la Perdrix, le Faisan, le Corbeau, etc.

Toutes ces formes sont cependant réunies sous la même dénomination arbitraire d 'ovée, de même que le mot ova¬ laire s’applique indifféremment au Larnellirostre et au Ra¬ pace, et pourtant les œufs de la Crécerelle, qui vous ont servi de type, ceux de l’ Aigle, du Milan, etc., ne ressemblent guère, en réalité, aux œufs du Cygne, de Y Oie, de la Sarcelle. Les premiers sont courts, ramassés, obtus vers

TRAVAUX INÉDITS.

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leurs pôles, tandis que ceux-ci sont toujours relativement plus allongés, plus amincis vers leurs extrémités.

Au point de vue je suis placé, ces différences, insi¬ gnifiantes en apparence, ont une importante significa¬ tion.

Les œufs de Pintades et de Rapaces seraient portés de¬ bout, ceux de la majeure partie des Passereaux étendus sur une pente inégale aboutissant au plan horizontal, sur lequel Gangas , Engoulevents , Lamellirostres , Plon¬ geons, etc., seraient plus ou moins moelleusement couchés.

J’avais mis en parallèle notre Engoulevent et le Mar¬ tinet, afin de prendre, pour ainsi dire, sur le fait l’état de repos et celui de l 'action dans la ligne horizontale, ces deux Oiseaux étant l’emblème l’un du repos, l’autre du mouve¬ ment perpétuel.

L 'Engoulevent passe son temps accroupi le long d’une grosse branche, ou plutôt rasé comme un Lièvre au pied d’une cépée. Sur ce terrain dur et sans pente, la partie la plus fluide de l’albumen se répand, par portions égales, de chaque côté du noyau central ; l’œuf se fait ovalo-ellip- tique.

Le Martinet est toujours sur l’aile ; de compression permanente de l’œuf, dont le vitellus est refoulé vers l’un des bouts; la forme est ovée-allongée en fuseau.

Cet Oiseau est long, fait observer M. Moquin-Tandon ; l’est-il assez pour justifier un grand diamètre de 0,u,034 à 0m,035 chez l’espèce des Alpes? D’ailleurs la forme est, ici, plus en cause que la longueur respective des coquilles.

J’aurais pu me contenter de citer, comme je l’ai fait, le Plongeon, qui réunit dans ses œufs le double signe du repos et de X action dans la position horizontale, car l’Oi¬ seau n’en a pas d’autre ; mais tout le monde ne le sait pas, habitué qu’on est à le voir, derrière les vitrines de quel¬ ques musées, haut et droit, comme le Plantigrade Manchot ou le Guillemot de nos côtes.

Les œufs elliptiques allongés à bouts égaux du Plongeon

58 rev. et ma(t. de zoologie. (Février 1861.)

indiqueraient l’état de repos complet, et les autres formes, plus nombreuses, allant jusqu’à l’ovée, les divers degrés de Y action.

Le Cormoran est pourvu de jambes énormes engagées dans l’abdomen, et au milieu desquelles l’œuf, étroitement resserré , ne peut prendre que la forme que chacun con¬ naît.

Le Harle (1) n’a pas besoin de moteurs aussi puissants pour atteindre une proie qui ne fuit ni vite ni loin; son œuf a l’ampleur d’un œuf de Canard, quoique l’Oiseau se rapproche beaucoup du Cormoran dans ses formes et sa tenue.

Je n’ai pas prétendu que la forme globulaire fût le signe exclusif de la perpendicularité de l’oviducle; j’avais sous les yeux l’œuf bien appelé ventru de la Bécasse, Oiseau à oviducte mou et flasque, formant le premier anneau de cette longue et curieuse chaîne d’habitants de nos mers et marais, dont les produits ovariens ne connaissent d’au¬ tres limites que celles de la cavité abdominale, qu’ils rem¬ plissent de leur incroyable volume, et ces œufs subissent pourtant encore l’influence inévitable qu’il est inutile de rappeler.

Selon M. Moquin-Tandon (2), « l’oviducte est un canal tt épais, robuste, résistant, qui non -seulement est peu in¬ et fluencé par les pressions intérieures ou extérieures , « mais bien certainement, jouit lui-même d’une ac¬ te tion particulière en rapport avec son étendue et son <t organisation, » et, pour mieux préciser, le savant pro¬ fesseur ajoute, un peu plus loin, et que la forme des œufs a doit varier suivant le diamètre , la longueur et la pres¬ te sion de l’oviducte, » d’où il suit que le même oviducte peut être flasque, large et court aujourd’hui, et, demain, dur, étroit et long, puisqu’on trouve dans le même nid

(1) .t'entends parler ici du Harle huppé, le seul dont je connaisse bien les œufs, pour eu avoir reçu des couvées entières.

(2) Rev. et mag. de zoologie , janvier 1860.

TRAVAUX INÉDITS. 59

un œuf gros et court, et un autre étroit et allongé, pondus par le même Oiseau.

Je suis trop étranger aux études anatomiques pour juger de la possibilité de métamorphoses aussi rapides : je crois seulement comprendre que M. Moquin-Tandon n’est pas lui-même très-convaincu de cette possibilité, car il n’au¬ rait pas avoué (1 ) que « ces œufs allongés et courts, pondus « par le même Oiseau , annoncent que d’autres causes « plus ou moins puissantes agissent sur la conformation « de la coque. »

Vous indiquez ces autres causes, monsieur, « en annon- « çant que la coquille, restée molle, ne se durcit qu’au « contact de l’air extérieur, et par l'elfet d’un refroidisse- « ment presque instantané; que les variations de formes « dépendent ainsi de la difficulté plus ou moins grande « qu’a éprouvée l’œuf à sa sortie du corps de l’Oiseau (2).»

La meilleure preuve que l’on puisse donner d’une co¬ quille restée molle jusqu’à son contact avec l’air extérieur serait, sans contredit, la présence d’un corps étranger in¬ crusté dans son épaisseur. Le fait est cependant tellement rare, que vous en fournissez seulement deux exemples, l’un cité par le P. Aubert, de Caen, l’autre par M. Moquin- Tandon, tandis que vous devriez les compter par milliers, en faisant figurer eu première ligne nos grosses canes do¬ mestiques, si goulues qu’elles ne se gênent pas, à l’occa¬ sion, pour expulser leur œuf comme une déjection ordi¬ naire, quand elles sont prêles, et sans plier le jarret ni perdre un coup de bec. Nos œufs de Poule et de Canard n’ont pas tous les jours, j’en conviens, la chance de tomber sur la tête d’un Coléoptère et d’en faire leur prisonnier; mais, tous les jours, ils tombent sur la terre, le gravier, des plumes, des brins d’herbe ou de racines, sans on re¬ tenir la moindre parcelle.

C’est donc l’exception qui se sera présentée sous votre

1) Rev. el mag. (le zool., 1800.

2) Traité général d’oologie ornithologique, p. 80.

60 rf,v. et mag. de zoologie. [Février 1861.)

main , et j’en éprouve d’autant plus de regret que cette petite méprise ne vous permettait pas de voir, dans mon idée, autre chose qu’un échafaudage suspendu en l’air et trop facile à détruire.

L’œuf est pondu mouillé , sans doute afin qu’il puisse glisser plus facilement; mais cette humidité, tout exté¬ rieure et qui disparaît meme avant le refroidissement, ne pénètre pas la surface de la coquille, qui est dure dans l’oviducte avant d’avoir acquis son entière épaisseur, dès la veille pour les espèces qui mettent deux jours d’inter¬ valle, vers la dernière heure pour les petits Oiseaux.

Permettez-moi d’exposer le résultat de la seule petite excursion que j’aie pu faire, l’an dernier, à la cam¬ pagne.

Quatre nids achevés, mais encore vides, me sont mon¬ trés. Je me présente, au petit jour, à celui d’un Rossignol de muraille; il est inoccupé. Je me cache et j’attends. Enfin la femelle y arrive, je ne sais d’où ; elle est prise et étouf¬ fée. Je retire aussitôt de l’oviducte l’œuf tout chaud ; il est aussi dur que s’il eût été pondu de la veille : sa forme est ovée.

Je passe au nid d’une jeune femelle de Bruant jaune ; elle tenait comme si elle eût couvé; son œuf est plus haut dans l’oviducte et encore sans coquille.

Me voici maintenant devant un nid de Pinson; la se¬ cousse du coup de feu, tiré de trop près, a cassé l’œuf, dont la coquille est déjà résistante quoique imparfaite, car elle est aussi mince qu’une pelure d’oignon, rugueuse et d’un vert bleuâtre clair unicolore. L’Oiseau est encore une jeune femelle. Enfin, vers 7 heures 1/2, j’arrive à un second nid de Rossignol de muraille; la femelle y était de¬ puis longtemps; je croyais être trop en retard; je trouve l’œuf encore dans 1 ’oviducte et parfaitement dur; il est ellipsoïde.

Cette petite course, qui confirme d’anciens souvenirs, donnerait à penser, si elle était confirmée à son tour, ce

TRAVAUX INÉDITS.

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qu’il est très-facile de faire, que les jeunes femelles tien¬ nent le nid de bonne heure, avant la consolidation de la coque, tandis que les vieilles, qui ont de l’expérience, n’y arrivent qu’aux derniers moments, ou au moins plus tar¬ divement; ensuite qu’il y a dans l’attitude de couveuse, en apparence toujours la même, des dissemblances cepen¬ dant réelles, résultant de la forme du nid, plat ou pro¬ fond, étroit ou ouvert, et que encore, comme partout, règne la môme influence directe sur la forme de l’œuf.

Le nid du Rossignol de muraille est en coupe évasée et de peu de profondeur; il m’explique la forme ellipsoïde de la coquille, qui venait probablement de s’y former sur une litière horizontale; la forme ovée du premier œuf sor¬ tait d’un Oiseau perché.

Un Faucon pèlerin m’est apporté; on l’avait tué vers midi, perché dans un pommier, il se tenait immobile depuis quelque temps , attendant patiemment la sortie d’un Pigeon de volière qu’il avait manqué le matin. C’était une femelle ayant l’œuf; la coquille, d’un blanc uniforme sur lequel perlaient déjà quelques petites gouttelettes de sang vif, était dure, quoiqu’elle n’eût pas atteint la moitié de son épaisseur. Des deux formes qu’offrent les œufs de cette espèce, elle a la plus ordinaire, l’ovalaire à bouts obtus, signe du repos dans la pose perpendiculaire.

J’avais dit que, dans l’intervalle qui sépare le jet de la sécrétion calcaire et son durcissement, il y a un moment donné la pâte molle n’est plus assez liquide pour obéir, et cependant pas assez solide pour résister à une forte commotion sans se fendre ou plier ; cette considération m’avait donné l’explication, dans laquelle je demande la permission de persister, de la déchirure transversale de mon œuf de Grue cendrée , et des plis et bourrelets circu¬ laires de certains œufs d ' Eider. La rareté (1) de ces acci-

(1) On m’a apporté, l’été dernier, un œuf de Pintade déchiré de la même manière, par sou travers.

62 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

dents donne la mesure de la rapidité avec laquelle s’opère le durcissement de la coquille ; c’est pourquoi j’ai pris la liberté de revenir sur ce sujet.

Il est constaté que, dans les croisements, ni la couleur ni la forme des œufs ne sont modifiées; que le mâle n’exerce sur elles aucune action. MM. l’abbé Manesse et Moquin-Tandon en font foi. 11 est probable que le récent croisement d’un Paon avec une Pintade aura montré le même résultat.

Les œufs d’une petite Poule pattue fécondés par un Coq ordinaire ne changent, pour cela, ni de forme ni de vo¬ lume; seulement les produits sont plus gros. Nos Poules de Caux, fécondées par un petit Coqpattu, continuent à pondre des œufs gros , d’où sortent des produits plus petits ; aussi nos fermières, jalouses de conserver leurs belles races , ont-elles grand soin d’éloigner de leurs basses-cours les petits Coqs pattus.

Maintenant, si l’on me demandait pourquoi l’influence du mâle et de la femelle est commune quand il s’agit du fœtus à naître de la coquille, et pourquoi elle ne l’est plus quand il ne s’agit que de cette coquille, vous savez à l’avance ma réponse :

La Poule, la Pintade, le Paon sont de la même famille, mais n’ont pas le même port. La forme de l’œuf dépen¬ dant de la position de la pondeuse, le mâle ne pouvait qu’y rester étranger; c’est l’affaire personnelle de la fe¬ melle.

Votre réponse, monsieur, serait celle-ci : « La forme « de l’œuf chez les Oiseaux est presque toujours en rap- « port avec l’ensemble général de l’individu dont il pro- «. vient. »

Certes Celui qui, dans la plénitude de sa toute-puis" sance, a créé le monde et donné ce grand commande¬ ment ; Croissez et et multipliez , a réglé en même temps les rapports nécessaires entre le moyen et la fin, et nous ne saurions ouvrir les yeux sur cette merveilleuse har-

TRAVAUX INÉDITS. 03

monie, sans nous sentir saisis d’une pieuse et indicible admiration.

L’Oiseau naissant d’une coquille devait donc trouver, sous cette enveloppe protectrice, le moyen de s’y déve¬ lopper convenablement jusqu’à ce qu’il fût en mesure de la briser pour faire son entrée dans la vie.

Mais, pour remplir sa mission, la coquille est-elle obli¬ gée de se modeler sur des proportions de forme qui n’exis¬ teront qu’après l’éclosion, ou bien sur la place qui lui sera donnée dans le milieu elle s’élabore , ou bien enfin le soin avec lequel le jaune est suspendu, par les chalazes, au centre d’une première zone d’albumen plus épaisse et plus visqueuse, voudrait-il indiquer qu’il n’y a qu’une chose indispensable, la conservation de la forme sphérique du viteilus, telle que le doigt de Dieu l’a fa¬ çonnée à l’ovaire?

Hautes questions sur lesquelles je devais prudemment laisser aux représentants de la science le droit d’interroger la pensée providentielle.

Quant à moi, je me suis heurté à un fait qui se trouvait sur ma route ; j’essaye de m’en rendre compte, et je de¬ mande de la lumière pour savoir s’il est tel que je crois l’avoir entrevu ; voilà mon lot.

Mais l’incompétence n’est pas de l’indifférence; je vous ai suivi, monsieur, avec un grand intérêt dans l’exposé de votre très-philosophique théorie, et il me paraît bien difficile de lui marchander son adhésion, si vous enten¬ diez l’appliquer à l’état du fœtus jusqu’à l’éclosion. Je crois donc que vous rencontreriez bien peu de contradic¬ teurs, n’étaient le mètre et le compas de notre grand or¬ nithologiste M. de la Fresnaye, voulant donner à ses ar¬ guments l’inflexibilité rigoureuse d’une démonstration géo¬ métrique

Ses démonstrations vous ont conduit inévitablement à déclarer que « jamais le fœtus d’un Oiseau de proie, dont « le caractère distinctif est d’avoir la tète et l’ensemble

64 rev. et mag. de zoologie. (. Février 1861.)

« cervical d’un volume considérable et de forme globu- « laire, l’appareil sternal, dans les mêmes proportions, « n’aurait pu se développer dans l’espace étroit et res- « serré d’une coquille elliptique comme celle du Grèbe. »

Et la force de la logique est telle, que M. Moquin- Tandon lui-même, trop expérimenté pour n’être pas cir¬ conspect, a déclaré aussi que « jamais le Grèbe ne pro- « duira un œuf globuleux comme le Hibou, et que le « Hibou n’en donnera pas d'allongés comme le Grèbe (1). »

Cependant ne semble-t-il pas, monsieur, que les Hiboux se soient émus de l’impérieux ultimatum? N’avons-nous pas vu leurs délégués de France et d’Afrique venir à Paris déposer aux pieds de nos princes de la science offi¬ cielle leurs protestations collectives sous la forme d’œufs allongés de Grèbe? L’un d’eux a même osé faire éclore de ces œufs des Grands-Ducs, qui n’avaient point du tout l’air d’avoir dégénéré, et je crois que l’un de ceux-ci habitait encore, l’été dernier, la cage paternelle, témoignage vivant de la protestation des siens.

Ce fait, d’ailleurs, n’est pas insolite; il se relie intime¬ ment à tout un ordre de faits analogues que je viens de passer en revue.

Nos Corbeaux, nos Moineaux, etc., etc., protestent aussi à leur manière, au même titre, chaque printemps, et nos Poules toute l’année.

Les Grèbes et les Plongeons ne les imitent pas, il est vrai ; mais ils ont, pour cela, leurs raisons, et la première est l’obstacle local que j’ai signalé chez le Cormoran; sans cet obstacle, il ne leur serait pas plus impossible de pondre des œufs arrondis, qu’aux Grues cendrées de faire des œufs de Vautour quand l’occasion s’en présente. Ces variétés, qui entraient pour un dixième dans la récolte de mon ami, ne doivent pas être plus stériles que celles que nous voyons réussir sous nos yeux, et, s’il en est ainsi, que de¬ viendrait l’obligation d’une forme ovoïconique ou ovée (1) Rev. et Mag. de zoologie, 18ü0.

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allongée pour le développement des membres inférieurs?

En résumé, monsieur, si votre solide théorie sur la forme de l’œuf des Oiseaux considérée dans sa cause ri’a pas à souffrir de ce qui précède, peut-être conclura-t-on qu’il y a cependant à côté, sinon au-dessus d’elle, une autre loi générale, la mienne ou toute autre, n’importe, et que leur union ne serait pas un mal.

Echinides nouveaux ou peu connus, par M. G. Cotteau.

(Quatrième article.)

23. Cyphosomu, Atacicum, Cott., 1861. Haut., 19 mil I . ; diam., 45 mill.

Espèce de grande taille, circulaire, renflée en dessus, presque plane en dessous. Aires interambulacraires gar¬ nies de deux rangées de tubercules principaux , au nombre de quinze à seize par série, saillants, imperforés et mar¬ qués de crénelures très-prononcées. Sur la face inférieure et vers l’ambitus, ces tubercules sont serrés et seHouchent par la base; au fur à mesure qu’ils s’approchent du som¬ met ils s’espacent, et les scrobicules qui les entourent sont séparés par un cercle de granules. Tubercules secondaires un peu moins développés, formant , au milieu des tuber¬ cules principaux, deux rangées très-régulières qui s’élèvent au-dessus de l’ambitus, mais disparaissent avant d’arriver au sommet; indépendamment de ces tubercules secon¬ daires, il s’en trouve d’autres sur le bord externe des in- terambulacres et au milieu de la zone miliaire; ils sont encore visiblement mamelonnés et crénelés, mais beau¬ coup plus petits, plus espacés, et moins régulièrement disposés. Granules intermédiaires abondants, inégaux, quelquefois mamelonnés, se confondant souvent avec les petits tubercules secondaires qui les accompagnent, d’au¬ tant plus fins et plus homogènes qu’ils se rapprochent du sommet. Ambulacres relativement assez étroits, garnis de deux rangées de tubercules principaux, au nombre de 2“ skrib. t. xiii. Année 1861. 6

60 rev. et mac. UE zoologie. ( Février 1861.)

vingt-trois à vingt-quatre par série, moins gros et plus serrés que les tubercules interambulacraires, imperforés et crénelés comme eux, placés sur le bord des zones po- rifères. Tubercules secondaires nuis. Granules intermé¬ diaires abondants et inégaux , identiques à ceux qui rem¬ plissent les aires interambulacraires. Pores simples, ovales, entourés d’un léger bourrelet, descendant en ligne droite du sommet au péristome, disposés à la face supérieure par paires horizontales, un peu obliques dans la région infra-marginale. Péristome décagonal , médiocrement en¬ taillé, s’ouvrant dans une dépression profonde de la face inférieure.

Rapports et différences. Le Cyphosoma Atacicum, re¬ marquable par sa grande taille, la disposition de ses tu¬ bercules principaux et secondaires et des granules qui les accompagnent, la profondeur de son péristome, ne saurait être confondu avec aucun de ses .congénères. M. Desor, dans le Synopsis des Echinides fossiles, a réuni sous le nom générique de Coptosorna tous les Cyphosomes des terrains nummulitiques, leur donnant pour caractères distinctifs des tubercules saillants et serrés, marqués de faibles crénelures ; une granulation intermédiaire, gros¬ sière et peu abondante; des zones porifères onduleuses; des plaques ambulacraires dont les sutures forment de petites incisions qui semblent rayonner à la base des tu¬ bercules ambulacraires, et un péristome largement déve¬ loppé. Dans l’espèce que nous venons de décrire, la plu¬ part de ces caractères ne se retrouvent point: les tubercules présentent des crénelures très-apparentes ; les granules qui garnissent le test sont abondants et parfois très-délicats ; les pores forment, dans toute leur étendue, des zones parfaitement droites; les tubercules n’olfrent à leur base aucune trace de suture ou d’incision, et le péristome est médiocrement développé; aussi voyons- nous dans cette espèce, malgré son origine nummulitique, un véritable Cyphosoma.

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Reste à examiner si ce genre Coptusoma, qui perd ainsi une grande partie de sa valeur stratigraphique , doit êlie maintenu dans la méthode, ou s’il n’est pas plus naturel de le réunir au genre Cyphosoma. Nous inclinons vers cette dernière opinion : les deux genres, suivant M. Desor, dif¬ fèrent surtout par la disposition de leurs pores dédoublés près du sommet chez les Cyphosoma, simples chez les Cop- tosoma. Ce premier caractère n’a pour nous qu’une impor¬ tance secondaire, depuis que nous avons reconnu, en étudiant les Cyphosoma du terrain crétacé, que chez plu¬ sieurs espèces les pores étaient simples dans toute leur étendue (1). Quant à l’ondulation des zones porifères, aux incisions qui marquent la base des tubercules ambula- craires, nous retrouvons également, chez quelques-uns de nos Cyphosomes crétacés, ces mêmes caractères; ils sont subordonnés au développement plus ou moins grand des tubercules et ne peuvent avoir de valeur que pour la dis¬ tinction des espèces (2).

Loc. Aude. Très-rare. Terrain nummulitique. Coll. Noguès. PI. 1, fig. 1, Cyphosoma Atacicum vu de côté; fig. 2, le même vu sur la face sup.

24. Scutella Caillaudi, Cott., 1861. Haut., 6 mill.; diam. transv., 45 mill.; diam. antéro-post., 44 mill.

Espèce de petite taille relativement à la grandeur ordi¬ naire des Scutelles, presque aussi large que longue; ambi- tus subcirculaire, légèrement onduleux, arrondi en avant, anguleux et subtronqué en arrière ; face supérieure renflée au milieu, déprimée sur les bords; face inférieure plane.

(1) Nous citerons notamment le C. tennis triatum, de l’étage turo- niou de Bousse (Sarthe), et le C. costulatum, de la craie de Ville- dieu (Loir-et-Cher). Voyez Échin. de la Sarthe, pi. 36, fig. 4-8, et pl. 44, fig. 1-4.

2) Chez les C. perfectum, Delaunayi et Bourgeoisi de la craie blanche, les zones porifères sont aussi onduleuses que dans les f’op- losoma les mieux. caractérisés, et les plaques arabulacraires présen¬ tent souvent, comme chez ces derniers, des suture.-, rayouuuutes très- prououcées. Voyez loc. cit., pl. 42, fig. 13-16, et pl. 43, lig. 6-12.

68 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

Sommet un peu excentrique en avant. Étoile ambulacraire assez développée, composée de pétales égaux, largement ouverts à leur extrémité, et occupant à peu près les trois quarts de l’espace situé entre le sommet et les bords. Ambu- lacres s’élargissant au fur et à mesure qu’ils se rapprochent del’ambitus, et donnant aux aires interambulacraires, sur la face supérieure, une forme pétaloïde très-remarquable et beaucoup plus prononcée qu’elle ne l’est chez les autres espèces de Scutelle. Périprocte petit, arrondi, s’ouvrant à peu de distance du bord postérieur.

Dans un des exemplaires que nous a communiqués M. Cailliaud, le pétale ambulacraire antérieur offre, à moitié de son étendue, un étranglement très-marqué. C'est un cas pathologique tout à fait accidentel, que nous avons déjà remarqué chez plusieurs espèces de Clypéas- troïdes, et qui ne paraît avoir apporté aucun obstacle au développement régulier de l’animal.

Rapports et différences. Le Scutella Cailliaudi se dis¬ tingue nettement de ses congénères par sa petite taille, sa forme subcirculaire aussi large que haute, sa face supé¬ rieure légèrement saillante, et surtout par la disposition pétaloïde de ses plaques interambulacraires. Sa taille le rapproche du Scutella subtetragona du terrain nummuli- tique de Biarritz; cependant cette dernière espèce sera toujours reconnaissable, d’après la figure que nous a donnée M. de Grateloup, à ses contours plus sinueux, à sa forme plus large que longue, à son étoile ambulacraire petite et étroite.

Loc. Machecoul (Loire-Inférieure). Rare. Terrain ter¬ tiaire éocène. Musée de Nantes.

Pendant longtemps on a considéré le genre Scutella comme spécial au terrain tertiaire miocène; il est aujour¬ d’hui constant que ce genre a commencé à se montrer avec les couches éocènes; nous en connaissons deux espèces remontant à cette époque : celle que nous venons de dé¬ crire et le Scutella subtetragona que nous avons recueilli

TRAVAUX INÉDITS.

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nous-même dans les falaises de Biarritz, associé îtYEupa- tagus ornatus et au Schizaster rimosus. Ces deux espèces, les plus anciennes du genre, sont l’une et l’autre remar¬ quables par la petitesse de leur taille. PI. 1, fig. 3, Scu- tella Cailliaudi vu de côté; fig. 4, le même vu sur la face sup.; fig. 5, périprocte.

25. Echinocyamus Campbonensis , Cott., 1861. Haut.,

2 mill. ; diam. transv., 4 mill. ; diam. antéro-post.,

5 mill.

Espèce de très-petite taille, plus longue que large; am- bitus ovale, arrondi en avant, plus dilaté et subtronqué en arrière; face supérieure subdéprimée; face inférieure plane, subconcave au milieu. Sommet un peu excentrique en avant. Ambulacres subpétaloïdes, imparfaitement bor¬ nés, largement ouverts à leur extrémité. Zones porifères formées de pores espacés, arrondis, peu nombreux. Tu¬ bercules petits, strobiculés, homogènes, épars. Péristome subcentral, pentagonal, un peu allongé dans le sens du diamètre antéro-postérieur, s’ouvrant dans une dépression du test. Périprocte arrondi , beaucoup moins grand que le péristome, placé très-près du bord postérieur. Appa¬ reil apicial presque carré, granuleux, marqué de quatre pores génitaux très-apparents et également espacés les uns des autres.

Rapports et différences. Cette petite espèce nous a paru nouvelle. Voisine de Y Echinocyamus piriformis , elle s’en distingue par sa taille moins forte et relativement plus épaisse, son ambitus moins anguleux en avant, son péri¬ stome plus sensiblement pentagonal , son périprocte plus apparent et beaucoup plus rapproché du bord postérieur. Elle offre également quelque ressemblance, par sa taille et la position de son périprocte, avec V Echinocyamus in /lattis du calcaire grossier de Grignon , mais elle s’en éloigne par son sommet ambulacraire plus central, sa face inférieure moins pulvinée et son périprocte plus apparent.

Loc. Campbon (Loire-Inférieure). Très-rare. Terrain

70 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

tert. éocène. Musée de Nantes. PI. 1, fig. 6, Echivo- cyamus Campbonensis vu de côté; fig. 7, le même vu sur la face sup.; fig. 8, le même vu sur la face inf. ; fig. 9, face inf. grossie.

26. Sismondia gracilis , Cott., 1861. Haut., 2 mill. 1/2;

diam. transv., 2 mill.; diam. antéro-post., 22 mill. 1/2.

Espèce de petite taille, très-peu épaisse, subcirculaire, le plus souvent un peu plus longue que large; ambitus arrondi en avant, anguleux et subtronqué en arrière; face supérieure à peine bombée au milieu, très-amincie sur les bords; face inférieure plane, légèrement déprimée aux approches du péristome. Sommet un peu excentrique en avant. Étoile ambulacraire composée de pétales égaux , allongés, très-ouverts à leur extrémité; zones porifères formées d’une rangée interne et presque droite de pores circulaires, et d’une rangée externe de pores obliques, allongés, mais à peine conjugués; à la face inférieure, le milieu des ambulacres est marqué de sillons qui convergent en ligne droite au péristome. Tubercules très-petits, abon¬ dants, serrés, finement scrobiculés, peut-être un peu plus apparents en dessous qu’à la face supérieure. Péristome central, pentagonal, dépourvu de bourrelets. Périprocte petit, circulaire, à fleur du test, s’ouvrant très-loin du pé¬ ristome, à 2 ou 3 millimètres du bord postérieur.

Rapports et différences. Cette espèce ne saurait être confondue avec aucun des Sismondia que M. Desor men¬ tionne dans le Synopsis des Échinides fossiles. Sa forme allongée, sa face supérieure très-amincie sur les bords, ses pores ambulacraires à peine conjugués en font un type tout particulier, voisin, au premier aspect, des Scutellina, et que nous n’aurions pas hésité à réunir à ce dernier genre sans la position tout à fait infra-marginale de son périprocte. L’espèce de Sismondia dont il se rapproche le plus est le S. incisa du calcaire grossier de Hauleville, mais il s’en distingue d’une manière positive par son am¬ bitus moins régulièrement circulaire, son étoile ambula-

TRAVAUX INÉDITS.

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eraire moins développée, sa face supérieure plus déprimée et plus amincie sur les bords, sa face inférieure plus con¬ cave et son périprocte plus éloigné du bord postérieur.

Loc. Machecoul (Loire-Inférieure). Assez rare. Ter¬ rain tertiaire éocène. Musée de Nantes. PI. 1, fig. 10, Sismondia gracilis vu de côté ; fig. 11, le même vu sur la face sup.; fig. 12, le même vu sur la face inf.

27. Sismondia Michelini , Cott., 1861. Haut., 4 mill.;

diam. transv., 12 mill.; diam. antéro-post., 13 mill.

Espèce de petite taille, un peu plus longue que large; ambitus subcirculaire, vaguement pentagonal, un peu anguleux en avant, légèrement tronqué en arrière; face supérieure médiocrement renflée, assez régulièrement convexe; face inférieure presque plane, subconcave au milieu. Sommet central. Etoile ambulacraire composée de pétales égaux, très-ouverts à leur extrémité; zones po- rifères formées de pores espacés, peu abondants, non con¬ jugués; seulement les pores de la rangée externe sont un peu plus allongés que les autres; sur la face inférieure le milieu des ambulacres est marqué d’un sillon droit et très-atténué. Tubercules petits, abondants, homogènes, scrobiculés, serrés et épars sur toute la surface du test. Péristome central, subpentagonal, sans trace de bourre¬ lets. Périprocte circulaire, s’ouvrant à fleur du test, infra- marginal , très-rapproché du bord postérieur. Appareil apicial assez développé, arrondi, granuleux, marqué de quatre pores génitaux.

Rapports et différences. Plus encore que la précédente, cette espèce est très-voisine des Scutellina, et, malgré la position infra-marginale de son périprocte, ce n’est pas sans quelque doute que nous la rangeons parmi les Sis- mondia. Par sa taille et son aspect général, elle se rap¬ proche beaucoup du Scutellina nummularia du calcaire grossier de Grignon; mais, quand on compare avec soin les deux espèces, on reconnaît qu’elles sont bien distinctes :

72 hev. et mag. ue zoogogie. [Février 1861 .)

le Sismondia Michelini est toujours plus épais, sa face su¬ périeure est plus concave, sa face inférieure marquée de sillons ambulacraires pins atténués; ses tubercules sont relativement plus gros, et enfin son périprocte, bien que placé très-près du bord, est infra-marginal au lieu d’être marginal.

Loc. Le plateau du Four (Loire -Inférieure). Assez abondant. Terrain tertiaire éocène. Musée de Nantes. PL 1, fig. 13, Sismondia Michelini vu de côté; fig. 14, le même vu sur la face sup.; fig. 15, le même vu sur la face infér.

28 Sismondia Cailliaudi , Cott., 1861. Haut. 4 mill.;

diam. transv., 18 mill.; diam. antéro-posf., 19 mill.

Espèce de petite taille, un peu plus longue que large; ambitus subpentagonal, anguleux en avant, subtronqué en arrière ; face supérieure déprimée, légèrement renflée sur les bords; face inférieure plane, subconcave au milieu. Sommet central. Étoile ambulacraire largement dévelop¬ pée, composée de pétales égaux, allongés, très-ouverts à leur extrémité; zones porifères formées d’une rangée in¬ terne et presque droite de pores arrondis, et d’une rangée de pores obliques, allongés, conjugués par un sillon. Tu¬ bercules petits, abondants, scrobiculés, épars. Péristome central, décagonal, dépourvu de bourrelets. Périprocte petit, circulaire, très-éloigné du péristome, s’ouvrant à 1 ou 2 millimètres au plus du bord postérieur.

Rapports et différences. Cette espèce, remarquable par sa forme subpentagonale, sa face supérieure déprimée et légèrement renflée sur le bord , présente au premier aspect quelque ressemblance avec le Sismondia occitana, si fré¬ quent dans le calcaire grossier de Pouillac et de Saint- Estephe; il s’en distingue cependant par sa forme géné¬ rale moins épaisse et moins renflée, par sa face inférieure plus sensiblement concave, et surtout par la position de son périprocte très-rapproché du bord postérieur, tandis

TRAVAUX INÉDITS.

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que dans le Sismondia occitan a il occupe, à la face infé¬ rieure, à peu près le milieu de l’aire interambulacraire impaire.

Loc. Campbon (Loire-Inférieure). Assez rare. Terrain tertiaire éocène. Musée de Nantes. PI. 1, fig. 16, Sis¬ mondia Cailliaudi vu de côté ; fig. 17, le même vu sur la face sup.; fig. 18, le même vu sur la face inf.

29. Stirechinus minor, Cott. , 1861. Haut., 12 mili. ; diam., 16 mill.

Espèce de petite taille, circulaire, haute et renflée en dessus, presque plane en dessous. Aires interambula- craires garnies de deux rangées de tubercules principaux médiocrement développés, imperforés et non crénelés, au nombre de treize à quatorze par série; la base des tuber¬ cules est saillante, arrondie et se détache nettement de chacune des plaques, qui elles-mêmes sont légèrement bombées au milieu. Tubercules secondaires beaucoup plus petits, se confondant souvent avec les granules qui les accompagnent, formant cependant à la face inférieure six rangées assez distinctes qui disparaissent au-dessus de l’ambitus ; quatre de ces rangées sont placées au milieu des tubercules principaux, et une de chaque côté des aires interambulacraires. Granules intermédiaires abondants, inégaux, quelquefois mamelonnés, se groupant de pré¬ férence autour des tubercules et laissant presque lisse le pourtour du test, et notamment la zone miliaire qui par¬ tage les interambulacres. Ambulacres garnis de deux ran¬ gées de tubercules principaux, au nombre de quinze à seize par série, de même nature, mais un peu plus petits et plus serrés qne les tubercules interambulacraires, ac¬ compagnés, comme eux, de tubercules secondaires très-peu développés et de granules inégaux qui laissent le milieu de l’ambulacre presque nu ; les deux rangées de tubercules principaux sont placées très-près des zones porifères, et les [ilaques qui les supportent sont bombées comme les autres, ce qui donne à l'ensemble du test cet aspect sub-

74 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

caréné caractéristique du genre. Sur toute la surface des aires ambulacraires et interambulacraires l’espace inter¬ médiaire entre les tubercules et les granules est occupé par d’autres granules inégaux, épars, très-atténués et visibles seulement à un fort grossissement. Pores rangés par triples paires à peine obliques, superposées presque directement et formant une zone subonduleuse qui s’ar¬ rondit à la base de chaque tubercule. Les paires de pores s’ouvrent dans de petites plaques distinctes qui se soudent trois par trois pour former des plaques plus grandes, presque aussi hautes que larges, et contenant chacune un tubercule. Péristome de petite taille, subcirculaire, mé¬ diocrement entaillé, situé presque à fleur du test.

Rapports et différences. Le genre Stirechinus établi par M. Desor dans le Synopsis des Eehinides fossiles ne renfer¬ mait qu’une seule espèce, 1 a Stirechinus Siciliœ, provenant du terrain tertiaire supérieur de la Sicile. Celle que nous faisons connaître aujourd’hui s’en rapproche beaucoup par l’ensemble de ses caractères; elle nous a paru cepen¬ dant s’en distinguer par sa taille infiniment plus petite, sa surface plus granuleuse, ses tubercules ambulacraires moins serrés à la face inférieure et plus rapprochés des zones porifères.

Loc. Env. de Tours (Indre-et-Loire)?... Très-rare. Étage falunien. Ma collection. PI. 2, fig. 1, Stirechinus minor vu de côté; fig. 2, le même vu sur la face sup.; fig. 3, le même vu sur la face inf.; fig. 4, plaques ambu¬ lacraires et interambulacraires grossies.

30. Cidaris Calloviensis, Cott., 1861.

Radiole très-épais, trapu, glandiforme, étroit à la base, fortement évasé et irrégulièrement renflé au sommet, garni do stries longitudinales fines, régulières, inégales, appa¬ rentes surtout vers le sommet, quelques-unes d’entre elles sont remplacées par de petites côtes plus saillantes et subgranuleuses. Collerette parfaitement distincte, mais peu développée, striée longitudinalement. Bouton court et re-

TRAVAUX INÉDITS. 75

lativement très-petit; anneau saillant, garni de fortes cré- nelures; facette articulaire crénelée.

Rapports et différences. En raison même de l’irrégu¬ larité du sommet de la tige, ce radiole varie beaucoup dans sa forme et rappelle certaines variétés du Cidaris ovifera du coral-rag de la Rochelle, mais il s’en distingue bien nettement par sa tige plus trapue et garnie de stries moins granuleuses, par sa collerette plus étroite, son bou¬ ton beaucoup moins développé et surmonté cependant d’un anneau très-visible. La structure du bouton le rap¬ proche du Cidaris Guirandi que nous avons décrit dans un de nos précédents articles. Cette dernière espèce ce¬ pendant sera toujours reconnaissable à sa taille plus petite, à sa collerette presque nulle, et aux stries égales et plus apparentes qui couvrent la tige.

Loc. Vaucluse(Jura). Assez commun. Étage callovien. Coll. Guirand. PI. 2, fig. 5, radiole du Cidaris Callo vie» sis; fig. 6, portion grossie.

3t. tlemicidaris Purbeckensis, Forbes, 1850.

L 'Hemicidaris Purbeckensis a été signalé pour la première fois en Angleterre par M. Forbes, qui en a donné d’excel¬ lentes figures et une’ description détaillée. Nous avons nous- même décrit et figuré cette espèce dans nos Etudes sur les Echinides de l'Yonne , d’après des échantillons fort rares recueillis dans l’Yonne et la Haute-Marne. Depuis cette époque Y Hemicidaris Purbeckensis a été rencontré en assez grande abondance dans les couches portlandiennes de Cray (Haute-Saône). Nous ne voulons pas revenir sur les descriptions qui ont été publiées, mais seulement faire connaître les radioles de cette espèce, ou du moins ceux qu’on rencontre à Gray associés à VH. Purbeckensis, em¬ pâtés dans la même roche, et qu’on a tout lieu de penser lui appartenir. Forbes avait déjà figuré un de ces petits radioles, mais il est très-incomplet, et sa taille presque mi¬ croscopique indique qu’il provient d’un granule bien plu¬ tôt que d’un tubercule. Ceux que nous décrivons et qui

76 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

nous ont été en grande partie communiqués par M. Perron sont plus développés et appartiennent certainement aux tubercules interambulacraires.

Radiole allongé, grêle, cylindrique, parfaitement lisse dans toute son étendue, tantôt simple et aciculé à son extrémité, tantôt s’élargissant et se divisant en branches inégales, plus ou moins nombreuses. La tige grossit un peu en se rapprochant de la collerette, qui est distincte, courte, finement striée et marquée, le plus souvent, d’un petit bourrelet à sa partie supérieure. Bouton peu déve¬ loppé; anneau saillant, fortement crénelé; facette articu¬ laire crénelée.

Rapports et différences. Cette espèce s’éloigne de tous les Badioles que nous connaissons par sa tige grêle, al¬ longée, lisse, divisée à son extrémité en branches inégales.

Loc. Gray (carrièredeGray-la-Ville),Mentoche (Haute- Saône). Abondant. Etage portlandien. Coll. Perron, Étal- Ion , ma collection. PI. 2, fig. 7, 8, 9, 10 et 11, radioles de Y Hemicidaris Purbechensis légèrement grossis.

32. Acropeltis concinna, Mérian, 1856.

M. Guirand, dont la riche collection a été déjà bien des fois mise à contribution par mous, a recueilli dans les couches coralliennes des environs de Valfin (Jura) un oursin microscopique qu’il a bien voulu nous communi¬ quer. Après l’avoir soumis à un très-fort grossissement, nous l’avons considéré, malgré les différences qui l’en sé¬ parent, comme étant le très- jeune âge de Y Acropeltis con¬ cinna (1) qu’on rencontre dans les mêmes couches. Nous avons pensé qu’il ne serait pas sans intérêt d’appeler l’at¬ tention sur ce petit individu, qui nous fournit un exemple des modifications profondes que l’âge apporte chez une

Cl) Nous couservons provisoirement à cette espèce le nom de Con¬ cinna, que lui a donné M. Mérian et que M. Desor a adopté dans le Synopsis des Échinides fossiles (voyez p. 86). Nous sommes cepen¬ dant porté à croire qu’elle n’est qu’une variété de Y Acropeltis œqui- luberculata du coral-rag de la Rochelle.

TRAVAUX INEDITS. 77

même espèce dans le développement de certains carac¬ tères.

Sa hauteur est tout au plus de 1 millimètre et sa largeur de 2. Malgré cette petitesse extrême, notre échantillon a tous ses organes parfaitement distincts; sa face supé¬ rieure est régulièrement convexe et sa base presque plane ; ses tubercules interambulacraires, au nombre de quatre à cinq par rangée, sont saillants, surtout vers l’ambitus, et dépourvus de crénelures et de perforation ; les tuber¬ cules ambulacraires, un peu moins gros et plus serrés, ne présentent, comme les autres, presque aucune trace de gra¬ nules intermédiaires. Les pores sont simples, peu abon¬ dants; le péristome est largement développé, subcircu¬ laire, marqué de faibles entailles; le périprocte, un peu excentrique en avant, est arrondi et subtriangulaire; l’ap¬ pareil apicial, très-grand, lisse, convexe, occupe presque toute la face supérieure et se compose de cinq plaques génitales allongées, anguleuses, distinctement perforées, et de cinq plaques ocellaires également perforées, plus petites et intercalées à l’angle externe des plaques géni¬ tales; la plaque génitale antérieure de droite présente une texture madréporique très-prononcée.

L’ensemble de ces caractères donne à cet individu, ab¬ straction faite de la taille, une physionomie qui certaine¬ ment au premier aspect ne rappelle que bien peu les Acropeltis. La nature et la disposition de ses tubercules ambulacraires et interambulacraires le rapprochent seules de ce genre, dont il s’éloigne d’une manière si évidente par son appareil apicial lisse et très-étendu, tandis qu’il se réduit, chez les Acropeltis adultes, à une petite étoile tuberculeuse placée au sommet de la face supérieure. Si nous n’avions pas déjà constaté chez d’autres Échinides, et notamment chez plusieurs espèces de Salénidées, les modifications que l’appareil apicial éprouve au fur et à mesure que l’animal grandit, loin de réunir cet individu aux Acropeltis , nous y aurions vu assurément un type nou-

78 rev. et mao. de zoologie. ( Février 1861.)

veau. PI. 2, fig. 12, Acropeltis continua (individu très- jeune) vu de côté; tig. 13, le même vu sur la face sup.; fig. 14, le même vu sur la face inf. ; fig. 15, le même vu de côté et grossi; fig. 16, face sup. grossie.

33. Pseudodiadema Thirriai , Et., 1861, figuré sous le nom de P. Perroni. Haut., 4mill.; diam., 11 mill.

Espèce de petite taille, circulaire, également déprimée en dessus et en dessous. Aires interambulacraires garnies de quatre rangées de tubercules crénelés, perforés, sail¬ lants, se touchant le plus souvent par la base; les deux rangées externes comptent neuf à dix tubercules, les deux autres rangées, un peu moins développées, disparaissent au-dessus de l’ambitus. Granules intermédiaires épars, inégaux, peu abondants, laissant à la face supérieure la zone miliaire presque lisse. Ambulacres garnis de deux rangées de tubercules identiques, par le nombre et la taille, à ceux qui occupent les interambulacres, accompagnés, comme eux, de quelques granules inégaux et épars. Pores simples et directement superposés, se multipliant un peu aux approches de la bouche. Péristome assez grand, sub¬ circulaire, décagonal, marqué d’entailles apparentes. Ap¬ pareil apicial pentagonal très-développé, à en juger par l’empreinte qu’il a laissée à la face supérieure.

Rapports et différences. Voisine, par sa petite taille et sa forme très-déprimée, du Pseudodiadema complanatum et subcumplanatum, , cette espèce s’en distingue nettement par ses tubercules plus gros et plus saillants, par la gran¬ deur de son appareil apicial, et surtout par la présence, sur les aires interambulacraires, de quatre rangées de tu¬ bercules au lieu de deux.

Loc. Gray (carrière de Gray-la-Ville), Fresne-Saint- Martin (Haute Saône). Rare. Étage portlandien. Collec¬ tion Perron. PI. 2, fig. 17, Pseudodiadema Thirriai vu de côté; fig. 18, le même vu sur la face sup.; fig. 19, le même vu sur la face inf.; fig. 20, plaques ambul. et in- terambul. grossies.

TRAVAUX INÉDITS. 79

34. Echinobrissus triangularis , Colt., 1861. Haut.,

15 mill. ; diam. trans., 28 m i 1 1 . ; diam. antéro-post.,

30 mill.

Espèce de taille moyenne, un peu plus longue que large, arrondie en avant, tronquée carrément en arrière; face supérieure renflée, épaisse sur les bords, ayant sa plus grande hauteur dans la région postérieure, assez réguliè¬ rement convexe en avant, brusquement déclive et pro¬ fondément échancrée en arrière; face inférieure subpul- vinée, concave aux approches du péristome. Sommet un peu excentrique en avant. Ambulacres pétaloïdes, légè¬ rement renflés, à peu près égaux entre eux, les postérieurs sont cependant un peu plus longs que les autres et placés sur le bord de la dépression anale ; zones porifères for¬ mées de pores inégaux, les internes arrondis, les externes étroits et allongés. Tubercules crénelés, perforés, scrobi- culés, très-petits en dessus, un peu plus gros à la face inférieure, partout abondants et serrés. Granules fins, homogènes, remplissant tout l’espace intermédiaire. Pé¬ ristome pentagonal, dépourvu de bourrelets, très-excen¬ trique en avant. Périprocte allongé, s’ouvrant au sommet d’un sillon longitudinal qui lui-même est placé dansunedé- pression profonde, triangulaire, largement évasée, angu¬ leuse et subcarénée sur les bords. Appareil apicial allongé, granuleux, subcompacte; la plaque madréporiforme est médiocrement développée; les deux plaques génitales pos¬ térieures sont en contact par le milieu; la plaque impaire parait remplacée par deux petites plaques complémen¬ taires intercalées entre les deux plaques ocellaires posté¬ rieures.

Rapports et différences. Par sa forme générale, cet Echi¬ nobrissus rappelle les E. clunicularis, scutatus, Goldfussii et Icaunensis, et se distingue très-nettement de ces diverses espèces par sa taille plus forte, sa face supérieure plus épaisse et plus régulièrement convexe, sa face postérieure fortement tronquée et marquée d’une dépression énorme

80 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

et triangulaire. Ce dernier caractère suffirait seul pour luire de notre espèce un type particulier et toujours re¬ connaissable.

Loc. Champlitte (tranchée du chemin de fer), Haute- Saône; Selongey (Côte-d’Or). Rare. Étage bathonien. Musée de Dijon, collection Babeau , Perron. PI. 2, fîg. 21, Echinobrissus triangularis vu de côté; fig. 22, le même vu sur la face sup.; fig. 23, appareils apicial et ambul. antérieur grossis.

II. SOCIÉTÉS SAVANTES.

Académie des sciences de Paris.

Séance du k février 1861. M. I. Geoffrcnj-Saint-Hilaire présente la quatrième édition de son ouvrage intitulé, Acclimatation et domestication des Animaux domestiques.

Le savant académicien rappelle la présentation qu’il a faite de ses Essais de zoologie générale et du premier vo¬ lume de son Histoire naturelle des règnes organiques, et, après s’être élevé, dans ces ouvrages, aux considérations de la théorie la plus abstraite, il a voulu se conformer aux tendances de notre époque, en dirigeant aussi ses travaux vers les applications utiles. Il a donc repris les ouvrages qu’il a déjà publiés sur ce sujet, les a coordonnés et aug¬ mentés, et de est sorti le nouveau livre qu’il publie, et dans lequel on trouvera les questions de l’acclimatation et de la domestication des Animaux poussées jusqu’à leurs limites actuelles.

La note qu’il a lue à l’Académie est une sorte d’analyse étendue de son nouveau livre, car elle occupe onze pages des Comptes rendus. L’auteur y reproduit une grande partie de son introduction et cherche à mieux faire comprendre l’utilité des recherches de ceux qui vou¬ draient augmenter le nombre des Animaux qui sont utiles à l’homme. Il revient, avec une persévérance qui l’honore,

SOCIÉTÉS SAVANTES.

81

sur la question de l’emploi alimentaire de la viande de cheval, et fait de nouveau l’histoire de l’acclimatation de¬ puis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours.

Nous nous bornerons à cette courte indication d’un livre dont aucune analyse, même celle faite par son au¬ teur, ne pourrait remplacer la lecture. S’il existe quelques erreurs, quelques inexactitudes historiques dans la partie qui traite des Insectes, cela n’ôte rien à ce traité de son mérite général, et l’on peut dire, en toute certitude, que c’est un ouvrage qui fait beaucoup d’honneur à son au¬ teur, et qui rendra un grand service à la question de l’ac¬ climatation en général.

M. Flourens lit une Noie sur le développement des os en longueur.

L’illustre académicien rappelle un Mémoire du même litre, qu’il a lu à l’Académie le 7 novembre 1842, et dans lequel il démontrait que les os ne s’allongent que par leurs extrémités, et qu’ils ne croissent en longueur que par couches terminales et juxtaposées.

Les expériences dont il présente les résultats aujourd’hui viennent confirmer complètement cette vérité.

MM. Lallemand et Sirodot présentent une Note sur l’ob¬ servation microscopique des œufs de Vers à soie avant et 'pendant l’incubation.

Ces savants ont voulu vérifier les observations publiées récemment par M. Cornalia, de Milan, qui a si heureuse¬ ment étendu à l’appréciation de l’état maladif des œufs l’étude microscopique du sang des Vers à soie, que nous avons publiée en novembre 1849 [Rev. et Mag. de zoologie , 1849, p. 565, pl. 15). A cette époque, nous avions montré que le fluide nourricier ou sang des Vers à soie malades était rempli de petits corps réniformes, de corpuscules oscil¬ lants, que nous avions nommés hœmatozoïdes. M. Cornalia, faisant les mêmes observations sur des Vers à soie très- jeunes , en voie de formation dans l’œuf, a trouvé ce même caractère chez des œufs qui ont donné des Vers

2" SRBiK. t. xiu. Auuée 1861. 6

8-2 rev. et mag. de zoologie. [Février 1861.)

malades. Quand il ne l’a pas observé dans les œufs de certaines provenances, les Vers qui en sont sortis ont été sains et ont donné une bonne récolle.

Les études de MM. Lallemand et Sirodot ne vont pas si loin, car ils n’ont pas encore fait d’éducations avec des œufs présentant ou ne présentant pas ce caractère de la présence ou de l’absence des hæmatozoïdes ; mais ils ont parfaitement reconnu ces corps dans les graines prove¬ nant de pays l’épidémie sévit depuis longtemps avec intensité,» et ils ont constaté leur absence dans celles des pays la maladie n’est pas encore arrivée.

M. Flourens signale, parmi les pièces imprimées de la correspondance, un exemplaire du discours prononcé par M. Van-Beneden, à la séance publique de l’Académie royale de Belgique, le 16 décembre 1860.

Dans cette dissertation, intitulée les Grands et les Petits dans le temps et dans l'espace , le savant naturaliste, consi¬ dérant le rôle des plus grandes et des plus petites espèces du règne animal à l’époque actuelle et aux époques géo¬ logiques, y a trouvé matière à d’intéressants et importants rapprochements.

M. Chauvau adresse un travail sur les Convulsions des muscles de la vie animale et sur les signes de sensibilité pro¬ duits chez le cheval par l’excitation mécanique localisée de la surface de la moelle épinière.

M. Tigri, dans une lettre adressée à M. Flourens, à l’oc¬ casion de ses communications sur la coloration en rouge des os d'un fœtus par l'effet de la garance mêlée aux aliments de la mère pendant la gestation, discute la question des voies qu’a suivre la matière colorante pour passer de la mère au petit qu’elle portait. Suivant lui, la coloration aurait lieu par l’intermédiaire des eaux de l’amnios, qui pé¬ nétreraient, à une certaine époque, dans le canal digestif du fœtus. Ce fait d’une déglutition des eaux de l’amnios aurait lieu régulièrement pour le fœtus humain entre le septième et le huitième mois.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

83

M. Coinde, qui avait précédemment adressé à l’Aca¬ démie une Note intitulée, Recherches sur les phénomènes chromatiques dans toute l'échelle zoologique, présente, comme se rattachant à cette première communication, des renseignements sur un cas singulier de production d’albinisme dans l’espèce humaine. Il s’agit d'un homme qui a eu successivement, de deux femmes différentes, trois enfants albinos. L’auteur de la note a vu un de ces en¬ fants, et il a vu également le père, qui n’avait rien d’un albinos, mais qui était abruti et, dit M. Coinde, en quelque sorte crétinisé par l’usage immodéré de l’eau-de-vie.

Séance du 11 février 1861. M. le maréchal Vaillant écrit au président de l’Académie :

« Si j’ai commis une indiscrétion , votre bienveillance obtiendra mon pardon de l’Académie.

« J’ai parlé à l’Empereur de la proposition faite par notre honorable et savant secrétaire perpétuel, M. Flou- rens, de mettre au concours la grande et belle question de la régénération des os brisés par accidents, coups de feu, etc., etc. L’Empereur ne pouvait être indifférent à ce remarquable progrès de la science chirurgicale, intéres¬ sant à un si haut degré l’humanité tout entière, et dont nos soldats blessés ont déjà commencé à recueillir de si précieux avantages. Sa Majesté, s’associant aux intentions philanthropiques de l’Académie des sciences, m’autorise à vous dire qu’elle ajoutera 10,000 francs au prix qui sera fixé par nos confrères. »

M. Raudement lit des Observa ions sur les rapports qui existent entre le développement de la poitrine, la conforma¬ tion et les aptitudes des races bovines (lre partie).

M. Albert Gaudry fait connaître les résultats des fouilles entreprises en Grèce sous les auspices de l’Académie.

Le travail fait suite aux notices que le même savant a communiquées précédemment. Dans celui-ci il montre que les Antilopes ont laissé à Pikermi de très-nombreux débris, car les seules pièces recueillies en 1855 et en 1860

84 rev. et mag. de zoologie. (Février 1861.)

attestent la présence de plus de 150 de ces Ruminants. Il est probable, ajoute-t-il, qu’autrefois quelques-unes de leurs espèces vivaient en grandes troupes, ainsi que de nos jours.

Entrant dans le détail des espèces dont les crânes sont exposés sur le bureau, M. Gaudry montre que l'une d’elles ne peut demeurer dans le genre Antilope et doit former une coupe générique à laquelle il donne le nom de Palœo- tragus.

Une autre espèce de grande taille a présenté des carac¬ tères suffisants pour qu’il soit nécessaire d’en former le type d’un sous-genre que M. Gaudry nomme Palœonjx.

Les caractères de ces deux coupes sont exposés avec détail, et l’auteur s’est attaché à faire ressortir les rap¬ ports et les différences qu’elles présentent par leur com¬ paraison avec les autres genres voisins.

M. Martens adresse une Note ayant pour titre Remar¬ ques entomologiques durant une excursion dans les Alpes. Dans une ascension sur le Monte-Moro, l’habile photo¬ graphe, se trouvant empêché, par l’état du ciel, de faire les opérations qui l’amenaient sur ce sommet, a profité de ses loisirs forcés pour observer les allures de certains Lépidoptères, et il a noté spécialement une émigration de Papillons d’une même espèce ( Vanessa cardui ) qui sem¬ blait, à l’approche de la froide saison, traverser les Alpes pour gagner l’Italie.

Séance du 18 février 1861 . M. Babinet lit un Mémoire intitulé sur les Variations séculaires dans le degré de salure des mers et sur les acclimatations de la nature.

Le savant académicien établit d’abord qu’il est probable que tous les lacs et mers intérieurs, étant des portions iso¬ lées de l’Océan, avaient le même degré de salure que l’Océan en général. Ces amas d’eau ont se dessaler peu à peu, et beaucoup, comme les grands lacs de l’Amérique septentrionale , ceux de la Suisse et de l’Italie , le lac de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 85

Baïkal, au sud de la Sibérie, contiennent aujourd’hui des eaux aussi pures que l’eau distillée.

« La nature de ces vastes et profondes niasses d’eau douce, poursuit M. Babinet, a opéré des acclimatations que j’ai signalées à plusieurs reprises, et que je mets au¬ jourd’hui sous les yeux de l’Académie, pour leur donner un degré de notoriété qui puisse engager à profiter de l’œuvre des siècles.

« Entre autres productions marines devenues produc¬ tions d’eau douce, je me contenterai d’en mentionner quatre : des peuplades de Harengs dits omouls, que l’on dessèche et que l’on sale comme ceux des mers euro¬ péennes de l’océan Atlantique, et qui sont l’objet d’un commerce important; des Phoques d’eau douce tout à fait de la même espèce que ceux des mers Scandinaves et des parages du Groenland et de la mer Glaciale; des éponges, qui sont ordinairement le produit des eaux chaudes et salées de la Méditerranée; enfin du corail de bonne qualité qu’on ne s’attendrait guère à trouver dans des eaux froides et complètement exemptes de sel.

« L’introduction des Harengs dans les lacs d’eau douce de l’Europe et de l’Amérique ne serait-elle pas une chose utile et qui ne présenterait aucune chance de non-réus¬ site?

« Mais c’est surtout le Phoque, animal haut placé dans l’échelle organique et très-intelligent, que je voudrais voir amener dans les lacs artificiels des bois de Boulogne et de Vincennes , aussi bien que dans les lacs de Suisse et d’Italie.

« Les frais de transport de cet amphibie d’eau douce, qui ne craint ni le froid ni la fatigue du voyage, ne se¬ raient pas très-considérables par la voie des traîneaux , qui apportent de la Chine, par Irkoutsk, le thé, le sucre de mauvaise qualité, le tabac et la voie à la foire de Nijnei-Novogorod. De à Saint-Pétersbourg et en France le trajet est facile.

36 rev. et mag. ue zooeogle. ( Février 1861.)

« Le but de cette Note est donc de mettre notre impor¬ tante Société impériale d’acclimatation en demeure de se procurer ces curieux et éducables Amphibies que, de temps en temps, on montre, par curiosité, à Paris. Il en est fort question dans Homère et dans Virgile, ainsi que de leur fameux berger mythologique, le vieux Protée. Leur instinct est très-développé et rivalise avec celui du Chien. Leur chair est la nourriture exclusive des pauvres peuplades des Esquimaux et des Samoyèdes, si bien étu¬ diées par le prince Napoléon dans son mémorable voyage aux mers du Groenland. L’étude des mœurs des Phoques et de leur organisation serait fort intéressante à faire à Paris et dans le voisinage. Enfin leur vie et leur repro¬ duction sont complètement assurées.

« Conclusion. Il nous faut en France, et le plus tôt possible, des Phoques d’eau douce. »

M. Albert Gaudry présente la suite de ses Résultats des fouilles entreprises en Grèce sous les auspices de l' Académie.

Dans ce travail, l’auteur continue sa revue des Mammi¬ fères du groupe des Antilopes. 11 établit un nouveau sous- genre sous le nom de Trayocerns (nom déjà employé en entomologie), qu’il fonde avec la Chèvre Amalthée. Au¬ jourd’hui cette espèce prend le nom de Tragocerus Amal- thœus.

Avec Y Antilope Lindermayeri de Wagner, M. Gaudry fait le sous-genre Palœorens. Avec un autre crâne, il fait une espèce nouvelle de son genre Tragocerus , qu’il ap¬ pelle T. Valenciennesi.

M. de Poravey adresse un travail intitulé, sur les Idées auxquelles se rattache l’éloignement que manifestent certains peuples pour la chair de divers Animaux d’ailleurs suscep¬ tibles de figurer dans la diète alimentaire.

M. 1. Geoffroy-Saint-Hilaire présente, de la part de M. le baron Larrey, un dessin figurant, de grandeur na¬ turelle, une anomalie fort rare dans les membres pelviens chez l’Homme.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

M. Kuhne adresse une Note sur un nouvel Organe du système nerveux.

M. Sénéchal adresse une Note sur la composition de la symphyse mentonnière et la position des fanons des Ba¬ leines.

Un jeune Rorqual, récemment apporté au muséum, a fourni l’occasion de dissiper les doutes qui pouvaient rester à cet égard en montrant, d’une part, qu’il n’existe pas d’écartement antérieur entre les mâchoires inférieures des Baleines, et, de l’autre, que les fanons se placent réelle¬ ment à l’intérieur de la mâchoire inférieure.

Séance du 25 février 1861. M. Pasteur présente un Mémoire ayant pour titre, Animalcules infusoires vivant sans gaz oxygène libre et déterminant des fermentations.

M. P. Gervais adresse un travail intitulé, Présence du genre éteint des Thécodontosaures en France.

Après avoir énuméré les Reptiles antédiluviens que l’on a observés en France, M. Gervais fait connaître des frag¬ ments d’ossements et de dents recueillis dans des marnes blanchâtres du Chappon, près Saint-Rambert (Ain). Ces dents se rapportent parfaitement aux descriptions données par MM. Riley et Stutschbury ( Transactions de la Société géologique de Londres , 2e série, t. V, p. 359, pl. 29), dans leur Mémoire sur le Thecodontosaurus antiquus, genre qui n’avait pas encore été signalé en France.

Société impériale zoologique d’acclimatation.

Séance du 8 mars 1861. M. le docteur Vavasscur lit une Notice sur les Tatous de Ruenos-Ayres.

Il résulte de ce travail intéressant que les Tatous ne se nourrissent pas de chairs corrompues, comme on l’a dit, mais qu’ils vivent uniquement de Vers de terre, de larves et d'insectes.

M. Vavasscur a élevé de jeunes Tatous, et il est par-

88 rev. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

venu à les conserver en leur permettant de chercher des Insectes dans les champs il les tenait attachés. Ceux qu’il avait voulu nourrir en captivité, avec de la viande, du lait, des œufs, etc., sont morts après avoir dépéri et s’être amaigris.

11 pense que ces Animaux , qui sont un excellent gibier et que l’on vend jusqu’à 3 francs pièce sur les marchés de Buenos-Ayres, pourraient être introduits dans le midi de la France et en Algérie, ils rendraient des services autant à titre d’excellent gibier que comme destructeurs d’insectes nuisibles à l’agriculture.

III. ANALYSES D’OUVRAGES NOUVEAUX.

Journal de /’ Académie des sciences naturelles de Philadel¬ phie, new sériés, vol. IV, part. 2. Grand in-4, fig. Philad., 1859.

Ce cahier contient deux grands mémoires ; un Sy¬ nopsis des Sphingides de l’Amérique du Nord, par M. Broc¬ heur idge Clemens , occupant près de 100 pages, et dans lequel l’auteur, après avoir passé en revue l’organisation et les mœurs de ces Insectes, donne un tableau synop¬ tique des genres et décrit avec soin et détail ioutes les espèces.

Le second mémoire est à l’infatigable et savant Isaac Lea, et il donne la description et la figure d’un grand nombre de nouveaux Unionides des Etats-Unis.

Nouveaux mémoires de la Société impériale des natura¬ listes de Moscou, dédiés à S. M. l’empereur Alexan¬ dre II, t. XI, XII et XIII. Grand in-4, fig. Moscou, 1859 et 1860.

Cette grande et utile collection des travaux de l’illustre Société est continuée avec le plus grand zèle et le plus grand succès; elle est toujours digne des savants qui com-

ANALYSES ])’0UVRAGES NOUVEAUX. 80

posent cette utile compagnie, à qui la Russie doit une grande illustration.

Dans le XIe volume (qui forme le tome XVII de la col¬ lection), il y a deux grands mémoires de botanique et un beau travail zoologique intitulé , Généra et Species Tri- chopterorum, auctore Frid. Ant. Kolenati (accédant tabuler chromolithographicæ 5).

Ce grand travail, écrit entièrement en latin , occupe 155 pages in-4 ; il est accompagné de 5 belles planches co¬ loriées représentant 62 espèces.

Le XIIe volume est entièrement occupé par un voyage botanique en Perse, accompagné de belles planches litho¬ graphiées, etc.

Quant au XIIIe volume, il paraîtra par livraisons, et nous n’avons encore reçu que la première , composée d’un travail géologique sur le centre de la Russie, à MM. Auberbach et Trautschold. G. M.

Note sur deux nouvelles grottes ossifères découvertes en

Sicile, en 1859, par M. Anca. (In-8, fig. Extrait des

Bull, de la Soc. géol. de France, 18 juin 1860.)

Les grottes que les savants ont explorées et étudiées en Sicile jusqu’à ce jour sont au nombre de six; M. le baron Anca vient d’en découvrir deux nouvelles, dans lesquelles il a pu taire les observations intéressantes qui font l’objet de son mémoire.

Dans l’une, située à l’extrémité du Monte-Gallo, qui porte le nom de Grolta perciata, parce qu’elle est trouée des deux côtés, M. Anca a trouvé des restes fossiles d’ Ani¬ maux herbivores mêlés avec des silex et des agates ayant la forme d’armes, qu’on peut supposer avoir appartenu à l’industrie humaine.

Dans la seconde, au nord de la Sicile, entre Palermeet Messine, au pied du monte San-Fratello, il a découvert un riche dépôt d’ossements fossiles d’animaux herbivores et

90 rev. et mag. ue zoologie. (Février 1861.)

carnivores, et il y a trouvé aussi une grande quantité d’armes en pierre.

Aprèsavoir donné de bonnes descriptions de ces grottes, M. le baron Anca présente la liste des restes d’Animaux, Mammifères et Mollusques, qu’il y a trouvés, et il accom¬ pagne cette énumération d’excellents détails géologiques et zoologiques, et d’une grande planche lithographiée re¬ présentant des portions bien caractérisées de mâchoires rie Y Ilyœna crocala, d’un Ursua, de YElcpluts africanua, et de deux autres espèces douteuses du même genre. G. M.

Revue du monde colonial, organe des intérêts agricoles, industriels, commerciaux, maritimes, scientifiques et littéraires des deux mondes, publiée par M. A. Noirot. Cet utile recueil , qui forme la deuxième série de YAl- ! jérie agricole, etc., ne peut manquer d’attirer l’attention de tous nos nationaux qui ont des relations d’intérêt plus ou moins rapprochées avec les colonies françaises et étran¬ gères, et même des étrangers qui se trouvent dans la même situation.

Déjà M. Noirot a fait ses preuves depuis deux ans, en publiant, avec autant de talent que de succès, Y Algérie agricole. Aujourd’hui il agrandit son cadre en embrassant toutes les colonies et en traitant, soit par lui-même, soit par des collaborateurs dont les noms font autorité dans les diverses branches des connaissances humaines, tous les sujets qui intéressent le nombreux public auquel son recueil s’adresse.

Comme les questions scientifiques font partie du pro¬ gramme de M. Noirot, nous aurons quelquefois à signaler à nos lecteurs des travaux relatifs à notre spécialité. En effet, il est certain que les productions naturelles des co¬ lonies donneront lieu à des observations intéressantes, et (pie la zoologie pure et appliquée y jouera un rôle impor¬ tant. Déjà, dans le premier numéro daté du 10 janvier

ANALYSES D’OUVRAGES NOUVEAUX. 91

1861, nous remarquons un article d’un grand intérêt sur i acclimatement en Algérie. Ce travail, écrit par M. le doc¬ teur de Pietra-Santn, a pour objet de montrer que l’accli¬ matement de l’espèce humaine en Algérie est non-seule¬ ment possible, mais réel. En admettant, dit l’auteur, que l’incurie des Arabes ait multiplié les marais et, avec eux, les parties insalubres; en admettant que les reboisements aient modifié les conditions atmosphériques du climat, il s’ensuivra encore que de sages mesures hygiéniques, que d’intelligents travaux hydrauliques et agricoles pourront remettre la colonisation moderne dans des conditions aussi favorables que celles se trouvait autrefois la race conquérante.

La Revue du monde colonial paraît, par cahiers de 4 à 5 feuilles in-8, les 10 et 25 de chaque mois. Le prix d’abonnement est de 25 francs pour un an et 13 francs pour six mois, pris à Paris. A la fin de chaque livraison, on pu¬ blie un bulletin bibliographique. On s’abonne, Paris, rue Christine, 3. (G. M.)

Catalogue des Orthoptères de la collection du british muséum, part. 1, Phasmidœ , par J. O. Westwood. Gr. in-4, avec planches. Londres, 1859.

Sous ce titre modeste, l’éminent entomologiste a publié une magnifique monographie de ce singulier groupe, cour posée de toutes les espèces qui se trouvent non-seulement dans le musée britannique, mais encore dans les autres collections de l’Angleterre.

Toutes les espèces sont décrites par une diagnose la¬ tine et avec des développements en anglais, et leur syno¬ nymie est relevée avec le soin et le talent de sage critique apportés par M. Westwood dans les excellents travaux dont il a enrichi l’entomologie.

Le nombre des espèces décrites dans ce travail est de 471, dont la plupart sont figurées dans 40 belles planches

92 rev. et mag. de zoolügie. ( Février 1861.)

dessinées et lithographiées par l’auteur, auxquelles on a joint les 8 planches gravées qui accompagnent la Mono¬ graphie des Phasmides de l’Australie de G. R. Gray, pu¬ bliée en 1833.

A la suite de la description des espèces qu’il a pu étu¬ dier, M. Westwood reproduit celle de 13 espèces décrites plus ou moins imparfaitement par divers auteurs, et qu’il n’a pu classer dans les genres qu’il admet. L’ouvrage est complété par une explication des planches et une bonne table alphabétique des genres. et des espèces, ce qui en fait un travail complet sur ce sujet. (G. M.)

IV. MÉLANGES ET NOUVELLES

M. J. P. Coiisde nous adresse la lettre suivante :

Monsieur le directeur, je m’empresse de vous signaler un fait qui vient justifier mes prévisions sur l’existence des phénomènes chromatiques dans toutes les parties de l’échelle zoologique (1). Je les avais déjà constatés chez les Hexapodes et différents autres invertébrés ; mais il ne m’avait pas encore été permis de les observer chez des Lépidoptères, l’ordre d’insectes qui cependant en pré¬ sente le plus souvent des cas. Rien n’est plus simple à ex¬ pliquer, vu leurs riches colorations et l’admirable variété de leurs dessins. Depuis longtemps j’avais cru distinguer, chez les grosses et les plus vulgaires de nos espèces de Lépidoptères, des traces plus ou moins complètes d’albi¬ nisme et de mélanisme, ou au moins des tendances à ces deux genres de phénomènes, telles que celles que j’ai nommées rubrinisme et chlorisme; mais, détourné alors de ces études par d’autres observations, je n’y prêtais qu’une médiocre attention. Ce n’est que depuis peu, dans une

(1) Voir les Comptes rendus de l'Académie, 1860 et 1861; la Ilevue zoologique, 1860; la Science pour tous, 1860, l 'Apiculteur, 1860; le Bullethi de Moscou, 1859; la France littéraire, 1857, etc.

MÉLANGES ET NOUVELLES.

93

visite que je fis à M. Millière, que je pus observer à mon aise, chez des Micros, ces phénomènes répandus dans beaucoup d’espèces.

Le savant microlépidopléristc de notre ville avait, depuis de longues années, élevé avec amour la plupart des chenilles de ses magnifiques collections; il en avait suivi toutes les phases de développements et de métamorphoses avec une patience admirable, une rare sagacité et un véritable ta¬ lent d’observateur. Cette étude si complète l’avait amené à réunir ensemble plusieurs espèces ou prétendues telles par d’autres auteurs, qui lui étaient fournies par la même che¬ nille. Il m’en montra six, entre autres, excessivement diffé¬ rentes les unes des autres, et qui cependant n’en formaient qu’une seule, mais d’une différence vraiment frappante. Cependant, en les observant bien, on remarquait aisé¬ ment que les taches qui, chez un des exemplaires, ressor¬ taient extrêmement foncées, noires ou noir rougeâtre, chez un autre étaient, au contraire, très-claires, blanches ou d’un jaune blanchâtre : celui-ci semblait recouvert d’une teinte blanche, sorte de voile sous lequel on aper¬ cevait facilement la livrée naturelle ; celui-là ne possédait qu’une teinte noire plus ou moins foncée.

Comme on levoit, ce sont bien les caractères ou, toutau moins, les traces qui nous font reconnaître des phénomènes chromatiques et les distinguer parfaitement de la livrée ordi¬ naire de l’espèce. Si d’autres entomologistes poursuivaient, dans les différentes classes d’Hexapodes, les études des métamorphoses que les Lépidoptéristes accomplissent sur une si grande échelle, on diminuerait, sans doute, passa¬ blement le nombre de ces espèces, qui ne diffèrent qu’au point de vue de la coloration ou de quelques dérivations physiologiques.

Bien qu’ils ne jouissent, en quelque sorte, que d’une vie presque éphémère, les Insectes, comparaisons faites des différentes organisations, accomplissent, en des espaces de temps si courts, tous les travaux des Animaux supé-

94 rev. et mao. de zoologie. (Février 1861.)

rieurs; ils traversent, autant qu’eux, des périodes di¬ verses : phases de joies et de souffrances, de douleurs et de plaisirs, d’amours et de haines, de douces quiétudes et de sanglants combats. La petite période accordée à leur si frêle existance (fût-elle d’une heure, d’une minute, d’une seconde) s’échelonne, pour eux, comme les années pour nous, comme les siècles pour d’autres (1). Eux aussi peu¬ vent donc naître avec leur livrée naturelle et voir cette livrée s’altérer progressivement, ou quelquefois apparaître avec les signes certains des phénomènes chromatiques qui tendront peut-être à disparaître entièrement ou en partie sous la livrée de l’espèce. Cependant c’est ici plus difficile à expliquer que chez les vertébrés, et la minime importance des sujets nous les fait quelquefois, toujours à tort, dédaigner, ou du moins échapper à nos premières observations.

Recevez, etc. J. P. Coinde.

Candidature a l’Académie des sciences.

Quoique nous n’ayons pas à nous occuper ici de bota¬ nique, nous dirons un mot de la séance du 14 janvier 1801, parce qu’il s’est produit un fait analogue à celui qui a eu lieu le 17 décembre 1860, relativement à la sec¬ tion d’anatomie et zoologie.

En effet, à la suite de la liste de candidats présentée par la section de botanique, quelques membres ont voulu faire ajouter le nom de M. Pasteur. Cette tentative n’a pas réussi par une raison fort simple, parce que, cette fois, la section a été juste en plaçant en tête de sa liste un véri¬ table botaniste , reconnu , par l’opinion publique des hommes de science, comme digne d’être ainsi placé en tête de la spécialité dont il s’occupe depuis longtemps avec succès.

(1) J’entends parler de cesgéauts des deux règnes orgauiques (vé¬ gétal et même animal) qui, mettant beaucoup de temps à prendre leur développement, vivent aussi un, deux siècles ou plus.

MÉLANGES ET NOUVELLES.

95

Depuis quelques années, à la suite de présentations et même de nominations de candidats très-savants, mais dont les travaux n’appartiennent généralement pas aux spé¬ cialités des sections dans lesquelles ils ont été nommés, on entend dire que l’Académie des sciences devrait sup¬ primer les sections; on ajoute que les savants qui la com¬ posent sauraient bien choisir les plus dignes d’entrer dans l’Académie et les plus capables d’y représenter toutes les branches des sciences. Nous ne partageons pas cette con¬ fiance, parce que nous avons l’expérience de la faiblesse humaine, et nous croyons que la division de l’Académie des sciences en sections est une garantie précieuse qu’il importe, plus que jamais, de lui conserver. Peut-être, en raison ries progrès de quelques branches des sciences, se¬ rait-il nécessaire de modifier un peu quelques sections, soit en augmentant leur personnel, soit en délimitant mieux les spécialités qui doivent être représentées par leurs membres; mais il est évident que les sections sont plus nécessaires que jamais aujourd’hui, la division du iravail est la garantie de sa perfection, à une époque les tendances nouvelles conduisent forcément à mettre les intérêts matériels et personnels à la place de ce noble in¬ térêt de la science, dont on parle d’autant plus qu'on le respecte moins.

Nous n’avons ni le temps ni la volonté de traiter au¬ jourd’hui cette grave question, car cela nous entraînerait trop loin; mais nous croyons que l’organisation actuelle de l’Institut et de ses Académies a besoin de réformes, dans ses détails du moins, et que l’une de ces réformes devra conduire à mieux fixer les sections, car il est évi¬ dent aujourd’hui que, si elles étaient supprimées à l’Académie des sciences, il ne pourrait plus entrer dans cet illustre corps que des chimistes, des savants sortis de l’école polytechnique et des médecins. (ti. M.)

AJ. bigot nous adresse la lettre suivante :

9G rey. et mag. de zoologie. ( Février 1861.)

Monsieur, ne dit-on pas que péché confessé esta moitié

pardonné? . C’est en vertu de cet axiome que je saisis

la première occasion qui se présente de rectifier, un peu tardivement direz-vous, une de mes erreurs.

Je déclare donc que l’Insecte par moi décrit sous le nom de Ptychoproctus complexus [Rev. et May. de zool., 1859, 7) n’est autre que le sexe mâle de la Stylomyiu leonum £> (Westwood, Proceed. zooloy. Soc., London, dé¬ cembre 1850, p. 268, etc.).

C’est grâce à une communication toute récente de l’auteur que j’ai pu connaître son excellent travail précité.

Errata du 1.

1, au lieu de Müll., lisez Mill.

16 (chez Sph. cavicola), au lieu de sub-

angulalus, lisez subanguslatus.

19, au lieu d’un point après punctato- striatus, une virgule.

21, au lieu de Long., 1 1/2 ligne, lisez 6 1/2 lignes.

22, au lieu de 6 1/3 lignes , lisez 11/2 ligne.

23, au lieu de F. D. Schmidt, lisez F. 1 Schmidt ; au lieu de Stimberg, lisez Steimberg.

12, au lieu de Müll., lisez Mill.

2, au lieu de Picos, lisez Picus.

20, au lieu de Prou, lisez Prov.

TABLE DES MATIÈRES.

Pages.

J. Hardy. Lettre à M, O. des Murs. 49

G. Cotteau. Échiuides nouveaux ou peu connus. 65

Académie des sciences. 80

Analyses. 88

Mélanges et nouvelles. 92

Page 13, lig. 13,

13,

13,

13,

13,

14,

15,

15,

PARIS. IMP. DE Mmü Ve BOUCHARD-HLIZARO, RUE DE L EPERON, 5.— 1861 .

REVUE

RT MAGASIN

DE ZOOLOGIE

RECUEIL MENSUEL

UE8TINÉ A FACILITER AUX SAVANTS DR TOUS LES PATS LES MOYENS DF PUBLIRR LEURS OBSERVATIONS DK ZOOLOGIE PURE F.T APPLIQUEE a l’industrie et a l’agriculture, LEURS TRAVAUX DE

PALÉONTOLOGIE, d’aNATOMIK ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES , ET A LES TENIR AU COURANT

DES NOUVELLES DÉCOUVERTES ET DES PROGRÈS DE LA SCIENCE;

M. F. E. GUÉRIN-MÉNEVILLE,

Membre (le la Légion d’bonneur, de l’ordre brésilien de la il ose , de la Société

impériale et centrale d’AgricuIlurc , des Académies royales des Science» de Madrid et de Turin, de l’Académie royale d’Agriculture de Turin, île la Société impériale des naturalistes de Moscou , d’un grand nombre d’autres Sociétés nationales et étrangères ,

Secrétaire du Conseil de la Société impériale zoologiquc d’ Acclimatation , etc., etc.

PARIS,

AU BUREAU DE LA REVUE ET MAGASIN DE ZOOLOGIE,

RUE DES BEAUX-ARTS, i.

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VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. MARS 1861.

I. TRAVAUX INÉDITS.

Diagnosis Cheiroptehæ mexicanæ e familia Vespertilio- nidarum, auctore H. de Saussure.

Genus Atalapha, Rafin.

Cauda longe involuta; patagium fémorale ut in Ves- pertilionibus. Dentes |, f , vel f.

A. mexicana. Valida. Dentes molares Caput et gula fulvescentia, ore et mento fuscis. Auriculæ rotundatæ, ni- græ, extus basi fulvo-hirsutæ, intus margine antico et area in medio una fulvo-setosis. Dorsum castaneum, supra grisescens, infra rufescens, ubique albo-marmoratum. Tibiæ, pedes et patagium fémorale rufa, albo-marmorata. Venter fusco-griseus, pilis apice et in pectore albescen- tibus, in abdomine fulvescentibus. In humeris macula alba. Alæ nigræ; subtus brachia et dimidium superius alæ fulvo-hirsuta. Supra maculæ albidæ très in basi pollicis et quinti digiti, in angulo cubiti sitæ. Antebrachii lon- gitudo, 0m,053.

Considérations sur les oeufs des oiseaux , par A. Moquin-Tandon.

Voir le commencement de ce travail, vol. XI, 1859, p. 414 et 469, et vol. XII, 1860, p. 11, 57, 110, 193, 339.

§ 6. Action de la nourriture sur la couleur des oeufs. Buffon a signalé l’influence de la domesticité sur l’affaiblissement de la couleur dans les œufs, à l’oc¬ casion de ceux de la Pintade sauvage et de la Pintade do¬ mestique ; il en a tiré la conclusion que c’est à la nourri¬ ture que doit être attribuée cette action. L’abbé Manesse s’est prononcé pour cette théorie; M. Buhle l’a repro- 2“ skrir. t. xm. Année 1861. 7

98 rev. et mag. de zoologie. [Mars 1861.)

duite : je l’ai adoptée moi-même dans un ancien mé¬ moire.

Quand on examine les œufs d’un grand nombre de Poules ordinaires, on en trouve qui sont un peu moins blancs que les œufs habituels ; il y en a même de couleur nankin. J’en possède un qui est d’un roux légèrement olivâtre, comme un œuf de Perdrix grise. Ces colorations sont-elles des retours vers la teinte primitive? Résultent- elles d’un état pathologique des organes génitaux? Ces deux suppositions ne sont guère probables. Ces nuances ne sont-elles pas plutôt un effet de l’alimentation? Je suis très-disposé à le croire ; mais, s’il en est ainsi, ne pourrait- on pas arriver, si ce n’est à changer, du moins à modifier, dans certaines limites, les teintes ordinaires des coquilles?

J’ai essayé une fois (1823). J’ai mêlé de la garance en poudre aux aliments d’une Poule; l’Oiseau a fini par pondre des œufs revêtus d’une teinte légèrement ro¬ sée (1). M. Joly a répété cette expérience : une Poule traitée de la même manière lui a donné aussi un œuf à coque rose (2). Voilà pour les œufs blancs.

M. des Murs a soumis une Serine au régime de la ga¬ rance. Les œufs de cet Oiseau, qui sont ordinairement d’un blanc très-légèrement verdâtre, avecdes points ou des traits d’un brun rouge et d’un gris violacé, se sont repro¬ duits avec les mêmes caractères; seulement l’ensemble avait revêtu un ton laqué ou rosé. Voilà pour les œufs tachetés.

Il est donc évident que la garance exerce une certaine action sur la couleur des œufs. Cette action n’est pas très- forte, mais elle est manifeste sur les œufs tachetés comme sur les œufs blancs.

J’ai rappelé, plus haut, qu’il est pondu de temps à autre, dans nos basses-cours (les Oiseaux n’étant pas ma¬ lades), des œufs qui ont une teinte un peu différente de

(1) Mèm. Soc. Linn. Paris, t. III, 1825, p. 61.

(2) Mém. Acad. sc. Toulouse, 5" série, t. IV, p. 516.

TRAVAUX INÉDITS. 99

la livrée habituelle. Ces œufs doivent évidemment leur nuance à quelque nourriture exceptionnelle. D’un autre côté, pourquoi les œufs des Oiseaux domestiques offrent- ils des couleurs plus pâles que les couleurs normales ; pourquoi tendent-ils à se décolorer? N’est-ce pas, en très- grande partie, par l’effet de l’alimentation?

Une des causes de la diminution des couleurs, chez les Oiseaux élevés en domesticité, pourrait être attribuée à leur plus grande fécondité, qui épuise l’élément colorant, comme, dans les œufs hardés elle épuise l’élément cal¬ caire. Mais ce qui prouve que cette fécondité n’agit pas seule, c’est que plusieurs de ces Oiseaux, dont les pontes ne sont jamais nombreuses, les Canards par exemple, produisent, comme les Poules, des œufs décolorés.

Je crois donc qu’il faut admettre l’influence de la ma¬ tière alimentaire. Si la nourriture n’agit pas d’une ma¬ nière absolue, elle y est, ce me semble, pour quelque chose, soit directement, soit indirectement. Il est bien en¬ tendu que je parle de la coloration générale et non pas de la grandeur des taches, de leur forme, et moins en¬ core de leur disposition.

Les organes qui sécrètent les couleurs ne peuvent pas être indépendants de la matière nutritive; cette indépen¬ dance serait contraire aux lois de la physiologie. On sait que les aliments exercent une action plus ou moins mar¬ quée sur le système glandulaire ; ils peuvent modifier non. seulement la couleur de ses produits, mais encore leur odeur et leur saveur. On est même parvenu à donner cer¬ taines vertus médicamenteuses au lait des nourrices et des vaches à l’aide d’un régime approprié.

M. Berge (1840) a singulièrement exagéré l’action dont il s’agit ; il a cru que la coloration des œufs est toujours une conséquence de la nourriture de l’Oiseau. Il explique ainsi non-seulement la teinte du fond, mais encore la formation des taches. Suivant ce naturaliste distingué, la matière de la couleur est produite par une action chi-

100 rev. et mag. de zoologie. [Mars 18G1.)

mique. Comme il existe des œufs diversement colorés pondus par des Oiseaux qui ont un même genre de nour¬ riture, M. Berge imagine que cette différence tient uni¬ quement à des appareils chimiques différents; et, comme dans les contrées séjournent les femelles ne se trou¬ vent pas toujours les mêmes Insectes ni les mêmes graines, il pense que c’est l’origine de la grande diversité de coloration qn’on remarque dans les œufs d’une même espèce. Il résulterait de cette théorie que les couleurs se¬ raient produites, dans un cas, par la même nourriture, et, dans un autre, par des nourritures différentes. En d’au¬ tres termes, que les prétendus appareils chimiques tantôt agiraient sur la nourriture, tantôt seraient influencés par celle-ci.

Suivant le même auteur, l’alimentation végétale déter¬ minerait, en général, le blanc, et l’alimentation animale le vert. On a vu, plus haut, que tous les Oiseaux de proie nocturnes pondent des œufs d’un blanc pur, et que les Gallinacés, qui sont des granivores par excellence, ont des œufs fauves ou brunâtres. Un des œufs les plus verts parmi ceux de France est celui de la Canepetière, et la Canepetière n’est pas un Oiseau carnassier!...

§ 7. Action de l’age sur la couleur des oeufs. Steiler, Gunther et Buhle ont reconnu que la couleur des œufs variait selon l’àge des femelles. Toutes les pontes du dernier âge ont des teintes plus faibles. On a fait ob¬ server que les œufs des Faucons présentent alors moins de rouge ou de brun et tirent davantage sur le blanc, et que ceux de Y Écorcheur, au lieu d’offrir leur couronne de taches rougeâtres, les ont brunes ou grisâtres, quelque¬ fois même offrent-ils à peine quelques points de cette cou¬ leur. On a cité encore le Merle et le Pinson. Cette diffé¬ rence entre les œufs du vieil âge et ceux que les Oiseaux pondent dans tout le cours de leur existence 11e dépend que de la quantité de matière colorante, qui est beaucoup

TRAVAUX INÉDITS. 101

moins abondante chez les vieux que chez les jeunes (des Murs).

§ 8. Action du climat sur la couleur des oeufs. En comparant plusieurs œufs de ma collection apparte¬ nant à une môme espèce, recueillis les uns en France et en Espagne, les autres en Suisse et en Allemagne, j’avais cru pouvoir conclure que le coloris est plus vif dans ceux du Midi que dans ceux du Nord. M. des Murs (1844J a combattu cette conclusion et montré qu’elle n’avait aucun fondement solide. Il a montré que le climat n’influait en rien sur l’intensité de la coloration. Je viens de com¬ parer (1847) des œufs pondus en Algérie avec d’autres œufs récoltés en Hollande, et des œufs des environs de Montpellier avec d’autres œufs des environs de Lille, et j’ai reconnu que M. des Murs avait parfaitement raison.

Mais si les aliments exercent quelque influence sur la livrée des œufs, comme ces aliments changent souvent avec le pays, quelquefois même avec la localité, on est forcé d’admettre que les œufs pondus dans deux contrées différentes pourront très-bien ne pas se trouver rigoureu¬ sement semblables. Seulement ceux du Midi ne devront pas être nécessairement plus colorés que ceux du Nord. C’est dans ce sens probablement qu’il faut interpréter ce que dit M. Temminck des œufs du Coucou. 11 croit que les couleurs varient d’une année à l’autre, suivant la lo¬ calité (?).

§ 9. Rapport des couleurs avec l’incubation. Les corps colorés absorbent le calorique plus facilement que les corps blancs. On a remarqué que les Oiseaux produc¬ teurs de coquilles à teintes sombres (soit dans le fond, soit dans les taches) appartiennent, en très-grande partie, aux Echassiers et aux Palmés , c’est-à-dire à des familles qui vivent dans les marais, au milieu des prairies inondées, au bord des étangs et des rivières, et, par conséquent, dans des endroits leurs œufs ont généralement à lutter

102 rev. et mag. de zoologie. (Mars 1861.)

contre le froid et l’humidité, et rarement contre la séche¬ resse et la chaleur.

Cette observation est très-vraie, surtout pour les Oi¬ seaux Échassiers ou de marais, dont les œufs, roussâtres ou olivâtres, sont couverts de taches brunes plus ou moins nombreuses et plus ou moins foncées. Les Cigognes, qui pondent des œufs à peu près blancs, nichent, comme on sait, à de grandes élévations. Il en est de même de la plu¬ part des Hérons , dont les coquilles sont d’un bleuâtre ou d’un verdâtre plus ou moins pâle (1).

Mais des exceptions nombreuses nous sont offertes par les Oiseaux Palmés ou aquatiques. On trouve des œufs blancs Cou très-faiblement colorés) chez les Flamants, les Cygnes , les Oies, les Canards, les Sarcelles, les Ilarles, les Cormorans, le Fou, les Pétrels...

Parmi les Oiseaux terrestres, nous ne rencontrons pas beaucoup d’œufs à teintes sombres. Les coques parais¬ sent rarement foncées chez les Rapaces; elles sont tou¬ jours blanches dans les Oiseaux de proie nocturnes. Il en est de même des Pigeons et d’un grand nombre de Grim¬ peurs. La plupart des Passereaux ont des œufs à colora¬ tion faible. Chez le Rossignol, ils sont couleur de bronze, mais cet Oiseau place son nid au pied des haies et, par conséquent, dans un endroit humide. Chez les Sylvia tur- doides, arundinacca, palustris, aquatica, les teintes sont toujours plus ou moins foncées. Enfin les Gallinacés, qui pondent, presque tous, â plate terre, nous offrent géné¬ ralement des œufs colorés en roussâtre ou en brun.

On pourrait objecter que les corps qui absorbent le calorique avec le plus de rapidité sont en même temps ceux qui le perdent le plus facilement, et qu’il y a com¬ pensation entre la chaleur acquise et la chaleur perdue. Mais il faut se rappeler que , pendant l’incubation, les œufs des Oiseaux s’échauffent par le contact des parents,

(1) D’après ce qui précède, on pouvait décider, en quelque sorte, à priori , que l’œuf de la Glaréole ne pouvait pas être blanc.

TRAVAUX INÉDITS.

103

et qu’ils ne peuvent se refroidir que par le rayonnement; par conséquent, ils doivent perdre leur chaleur dans un temps plus long que celui qu’ils ont mis à l’acquérir.

J’ai cherché, en 1832, à constater, par expérience, l’influence de la coloration sur l’absorption de la chaleur; je n’ai obtenu aucun résultat concluant; on en verra bientôt la raison. Voici mon expérience :

Je plaçai dans une couveuse 24 œufs de Poule récem¬ ment pondus; 8 de ces œufs étaient à l’état normal; les IG autres avaient été colorés, 4 en bleu (comme l’œuf du Mouchet), 4 en rougeâtre (comme celui de la Crécerelle), 4 en olivâtre (comme celui du Rossignol), et 4 en chocolat (comme ceux des Plongeons). Pour ne pas trop obstruer les pores de la coquille , j’avais employé le pastel comme matière colorante, et j’en avais déposé, sur chaque coque, une couche extrêmement légère. Enfin, pour que l’âge de l’œuf n’exerçât aucune influence sur l’incubation, j’avais choisi , pour les colorer, les 8 œufs les plus anciens et les 8 les plus récents. Voici l’ordre des éclosions :

3 œufs blancs,

1 rougeâtre,

2 chocolats,

2 rougeâtres,

2 blancs,

3 olivâtres,

1 chocolat,

1 bleu,

1 rougeâtre,

3 bleus,

1 blanc ,

1 olivâtre,

1 chocolat,

2 blancs.

24

Cette expérience semble prouver que la couleur n’exerce

104 rev. et mag. de zoologie. ( Mars 1861.) aucune influence sur la durée de l’incubation. Je soup¬ çonnai que mes œufs, étant dans une couveuse fermée et, par conséquent, à l’abri de la lumière, n’avaient pas été soumis rigoureusement aux conditions normales de ceux qui sont exposés librement dans un nid et couvés par un Oiseau. Mon collègue M. le professeur Gavarret m’a fait observer que l’influence de la coloration sur 1 e pouvoir absorbant des corps varie avec les circonstances ambiantes. On doit à M. Melloni plusieurs expériences à ce sujet. Quand les corps ne reçoivent par rayonnement que de la chaleur obscure, la coloration est sans influence. Le noir de fumée et le carbonate de plomb, parfaitement blanc, ont le même pouvoir êmissif. D’où il résulte que, dans une couveuse fermée et, par conséquent, à l’abri de la lumière, des œufs colorés devaient se conduire comme des œufs blancs.

Il en sera de même toutes les fois que les œufs seront placés dans un nid de manière à se trouver à l’abri des rayons solaires. On a vu, plus haut, que les œufs dé¬ posés dans des trous de muraille ou dans des creux de rocher, ou dans des troncs d’arbres, ou encore dans des nids couverts, sont presque tous d’un blanc pur. On con¬ çoit, d’après ce qui précède, que, si ces œufs avaient été colorés, il n’y aurait eu aucun avantage pour l’incuba¬ tion.

Il faudrait répéter l’expérience que je viens de rap¬ porter, en laissant les œufs exposés à la lumière.

Il conviendrait aussi d’examiner l’influence des divers rayons isolés, surtout celle des rayons calorifiques et chi¬ miques. On sait que des expériences de ce genre, tentées sur les germinations, ont donné des résultats